Intervention de Jérôme Nury

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le budget de l'agriculture et de l'alimentation pour 2018 s'inscrit dans un contexte particulier qui le rend finalement sans saveur. Pas même une pincée de sel – mesures fortes ou lignes budgétaires nouvelles – pour relever un plat un peu fade. C'est tout simplement un budget d'attente. Il s'inscrit dans le contexte des états généraux de l'alimentation, dont les conclusions arriveront ultérieurement. Elles se traduiront, nous l'espérons tous, par des mesures législatives et réglementaires concrètes permettant de répondre aux préoccupations de nos agriculteurs.

Vous le savez, monsieur le ministre, le monde paysan souffre. Dans nos campagnes, les agriculteurs n'ont pas le moral, car, depuis trop longtemps, ils doivent faire face à une succession de crises.

Les trésoreries sont exsangues, la paperasse et les contrôles omniprésents, alors que l'on ne cesse de nous parler de simplification. Pour un silo installé pas tout à fait au bon endroit, pour quelques centimètres de culture situés trop près d'un cours d'eau, pour une déclaration PAC trop approximative, l'administration en rajoute, envoie recommandé sur recommandé, appelle, menace – bref, trop souvent, cherche à accuser plutôt qu'à comprendre ou à accompagner.

Nos paysans n'ont pas le moral, car ils n'arrivent pas non plus à assumer les charges liées aux exploitations ni à se rémunérer décemment. Depuis des décennies, on leur demande de s'adapter, de changer de pratiques, de tenir compte de l'environnement, d'être compétitifs, d'axer leur travail sur la qualité. Ils le font chaque jour. Mais comment continuer à relever le challenge sans des prix qui rémunèrent le travail et l'investissement ?

Entre le marteau de la grande distribution et l'enclume de la transformation, ils sont écrasés et broyés. Leur redonner de l'oxygène en rééquilibrant les rapports de force dans les filières est donc une priorité. Tels sont les objectifs des états généraux et nous ne pouvons qu'y souscrire. Ces états généraux ont fait naître de grandes espérances. Il ne faut surtout pas décevoir les agriculteurs.

Pour revenir au budget pour 2018, on peut saluer sa hausse globale de 1,2 % en crédits de paiement par rapport à 2017. C'est un point positif qui prend aussi en compte le rattrapage des problèmes intolérables survenus les années précédentes avec des retards de paiements.

Il faut souligner également l'augmentation des crédits de la dotation jeune agriculteur. Rester mobilisé sur le renouvellement des générations est indispensable mais, vous le savez, le vrai moyen d'encourager la transmission et l'installation des jeunes est de leur donner de meilleures perspectives quant à la rémunération d'un travail bien supérieur aux 35 heures hebdomadaires et d'un risque lié à un endettement de plusieurs centaines de milliers d'euros.

Monsieur le ministre, malgré les explications que vous nous avez fournies lors de la réunion de la commission des affaires économiques, je reviendrai sur deux points.

Le premier concerne le fonds de 300 millions d'euros inscrit sur l'action 27 du programme 149. J'ai bien compris que cette réserve avait une double finalité : gérer l'apurement communautaire et les sanctions de l'Union européenne ; mobiliser des fonds pour d'éventuelles crises. Mais le montant global sera-t-il suffisant ?

Il ne faudrait pas que la première finalité l'emporte sur la deuxième et que l'on se retrouve sans moyens si survenait une crise économique, climatique ou sanitaire. D'autant plus que, pour la gestion de l'imprévu, il serait souhaitable de mettre en place une vraie épargne de précaution avec des déductions fiscales plus utiles et vertueuses que celles dont bénéficie le renouvellement du matériel agricole.

Le deuxième point, qui n'est pas sans inquiéter, concerne les crédits alloués aux indemnités compensatrices des handicaps naturels. Ils sont stables l'an prochain pour la partie nationale, mais n'est-on pas en train de faire la cigale et d'engager à l'avance, sur cette ligne comme sur celle des mesures agro-environnementales et climatiques, et de l'agriculture bio, l'enveloppe communautaire allouée jusqu'en 2021 ?

Près de 85 % du Fonds européen agricole de développement régional dédié aux ICHN sera ainsi consommé. Comment ferons-nous pour régler ces indemnités en 2020, peut-être même en 2019, si nous avons consommé la totalité de l'enveloppe européenne de cofinancement ? D'autant que la révision de la carte des zones défavorisées, reportée à 2019, risque également de poser problème si l'on augmente l'assiette.

Vous le savez, monsieur le ministre, la première révision envisagée par les précédents gouvernements était tout simplement intolérable. Elle consistait parfois, chez nous, en Normandie, à retirer des zones du bocage ornais de la zone défavorisée au profit de la plaine de Caen. Il faut donc revoir ce projet de carte afin qu'il soit plus juste et corresponde réellement à nos territoires. Je vous sais engagé sur ce dossier et vous remercie d'être vigilant.

En conclusion, ce budget pour 2018 laisse entrevoir des points positifs, bien que beaucoup de problèmes demeurent en suspens. En bon normand, que vous comprenez comme moi, je pourrais dire à son sujet : « Pt'être ben qu'oui. Pt'être ben qu'non. » En bon français, je dirais que notre groupe reste dubitatif et que finalement, c'est surtout ailleurs et sur des mesures non budgétaires que le Gouvernement est attendu : la concrétisation des états généraux de l'alimentation, la simplification des normes et le volet agricole du grand plan d'investissement. Sur ces trois points, il est urgent d'agir.

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