Le pouvoir de vivre exprime l'esprit de la déclaration des organisations pilotées symboliquement par Nicolas Hulot et Laurent Berger, ces organisations, de plus en plus nombreuses, qui font des propositions de transition sociale et écologique importantes pour notre pays.
Ce concept de pouvoir de vivre s'applique à toutes les personnes qui vivent dans des passoires énergétiques et dont les maigres revenus sont consommés par le coût du logement, qui est en France un problème structurel que nous n'avons pas su résoudre dans les dernières décennies, et par le coût de l'énergie, qui va flamber alors que, selon les pronostics du GIEC, il faudra à la fois se protéger des épisodes extrêmes de chaleur et faire face à des hivers plus rigoureux.
Outre le pouvoir de vivre, l'effort engagé tend aussi à suivre honnêtement et sérieusement la trajectoire fixée par la COP21, la vingt-et-unième conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, et confirmée par la COP25. Notre collègue Christophe Bouillon, qui revient de Madrid, nous en parlera tout à l'heure à l'occasion de l'examen de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide.
Atteindre le pouvoir de vivre et être en cohérence avec la trajectoire de la COP21, c'est, somme toute, retrouver une boussole pour l'action publique : il n'y en a pas d'autre que de viser à la fois la dignité humaine et la survie de notre maison commune. Nous devons disposer d'une boussole pour nos politiques publiques et l'objectif d'un parc d'habitat décarboné en France d'ici 2050 est, à cet égard, parfaitement cohérent.
Je ne reviendrai pas sur les outils dont nous disposons et je laisserai Boris Vallaud et mes autres collègues apporter des réponses techniques aux arguments que vous venez d'exposer, madame la secrétaire d'État, pour justifier vos réserves. Pour ma part, étant très investi sur le terrain dans ces domaines, je suis persuadé que le zéro reste à charge et un accompagnement sous forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage intégrée sont des solutions à la hauteur des enjeux.
Je ne reviendrai pas non plus sur les trois paliers de 20 %, 30 % et 40 %, avec une priorité pour les logements de catégorie F et G, qui assurent une politique de justice. L'objectif de financement est atteint grâce à une mobilisation de l'ensemble des ressources, qu'il s'agisse des ressources européennes ou de celles de la Banque des territoires.
La seule réserve que j'ai entendue exprimer sur le terrain quant à cette proposition de loi est néanmoins importante et je dois, par honnêteté intellectuelle, la prendre en compte : elle porte sur la capacité des entreprises françaises du bâtiment à faire face à la demande. Sommes-nous capables d'investir et de réaliser 10 milliards d'euros de rénovation énergétique par an dans les trente ans qui viennent, pour réaliser ce plan et atteindre notre objectif ? Les entreprises françaises du bâtiment sont-elles capables d'atteindre cet objectif ?
Je répondrai à cela que, bien au-delà de ce seul secteur – dans l'agrochimie comme dans le diesel, dans mille métiers – , nous allons devoir muter. Cette mutation peut être tragique ou peut se révéler, au contraire, une véritable chance. En tant que socialistes et sociaux-démocrates, nous devons porter cette question. La transition écologique ne peut pas laisser des territoires, des populations et des métiers au bord de la route. Puisque des dizaines, des centaines de milliers de métiers devront évoluer demain, l'investissement dans les savoir-faire du bâtiment, le renforcement de la recherche et développement, la formation des hommes pour faire face au défi de la rénovation énergétique tel qu'il est exprimé dans la proposition de loi de Boris Vallaud et Jean-Louis Bricout est une formidable opportunité pour mobiliser, sur trente ans et avec une grande lisibilité, un formidable effort de recherche et de formation humaine, afin d'accomplir ce dessein et, sur la base de nos PME et ETI du bâtiment, de réaliser cet effort sans équivalent et dont les effets sont attendus.
Madame la secrétaire d'État, notre défense n'est pas idéologique : elle est incarnée sur le territoire – un territoire que vous connaissez, puisque vous nous avez fait l'honneur de venir signer sur Terres de Lorraine, dans le Toulois, un contrat de transition énergétique, dans le cadre duquel nous sommes engagés ensemble. Vous aurez noté que notre expérience du programme des territoires à énergie positive pour la croissance verte, porté par Ségolène Royal, avait permis de mobiliser, entre des certificats d'économies d'énergie et des subventions de l'État qui existaient alors, 3 millions d'euros de subventions pour 6 millions d'euros de travaux, qui ont permis d'économiser plusieurs millions de kilowatts, soit, en l'état des évaluations que nous sommes en train de réaliser, entre 300 000 et 400 000 euros d'économies de charges publiques de dépenses d'énergie dans les collectivités qui avaient engagé ces travaux. D'après la fédération du bâtiment de Meurthe-et-Moselle, qui a été notre partenaire tout au long de cette opération, cette démarche a permis de créer vingt-cinq emplois nets. Voilà le bilan d'une action volontariste menée sur un micro-territoire. La proposition de loi de Jean-Louis Bricout et Boris Vallaud ne fait que reprendre cette tendance et permet de l'appliquer à une échelle industrielle.
Je note en outre qu'avec la Banque des territoires, notre territoire se prête actuellement à l'innovation et à l'expérimentation de l'intracting, formule qui permet de rembourser des charges uniquement en fonction des économies d'énergie réalisées. La solution proposée en alternative dans cette proposition de loi, consistant à gager les coûts de la rénovation sur la transmission du patrimoine pour la génération suivante, ne me paraît pas absolument critiquable. Nous laisserons, en effet, à la génération qui nous suit, une planète invivable ou alors la possibilité, en restreignant son héritage, de bénéficier ensemble d'un climat vivable.
Cette proposition de loi renoue, enfin, avec une capacité planificatrice permettant de définir des priorités et de s'y consacrer. Madame la secrétaire d'État, puisque vous exprimez une réserve quant au fait que nous allons distraire quelques dizaines de millions d'euros d'autres aides, notamment pour des gestes courants d'économies d'énergie, je tiens à rappeler qu'il existe des marges de manoeuvre dans le projet de loi de finances pour 2020, dont nous allons achever l'examen dans les prochains jours, et encore plus dans celui pour 2021.
La suggestion récurrente des socialistes, c'est de revenir sur les privilèges que vous avez accordés, avec l'instauration de la flat tax et la suppression de l'ISF, aux quelques pour cent de Français les plus privilégiés. Il y a là des marges de manoeuvre que nous n'avons même pas mobilisées dans le plan de financement de cette proposition de loi, mais qui permettraient à la fois de continuer à accomplir les gestes que vous évoquez et de réaliser le plan proposé aujourd'hui par les socialistes, qui est à la hauteur de l'enjeu.