« Pour faire des économies, sept Français sur dix choisissent le froid au chauffage », titrait le journal L'Union, le 19 novembre dernier. Ce titre tapageur révèle en fait une terrible réalité : la précarité énergétique. Parmi les plus concernés par ce choix, les foyers touchant entre 1 500 et 2 500 euros par mois et les retraités. Quelle surprise !
Ce n'est absolument pas un choix, mais une terrible nécessité économique, que le Gouvernement ne veut pas voir. Les gens précaires, dont bon nombre ont un travail, ont ce terrible choix entre acheter à manger, payer l'essence pour aller travailler ou avoir froid. Et comme on ne peut pas se passer de manger et qu'on doit se déplacer pour travailler, on a froid. Combien de foyers où les enfants grelottent pour faire leurs devoirs parce que le chauffage est trop cher ? Ce n'est vraiment pas un choix !
La précarité énergétique est un mal qui ne se voit pas, qui se vit dans la honte. Évidemment, les plus touchés sont ceux qui habitent les logements les moins isolés, les plus vétustes, les plus insalubres. Ce sont donc les plus pauvres qui paient le plus pour se chauffer.
Quand on ne peut pas payer la facture ou que, de toute façon, l'électricité ou le gaz ont déjà été coupés, et qu'il fait si froid, on recourt à des moyens de fortune pour avoir un peu de chaleur. On allume des braseros qui sont sources de multiples accidents, déclenchent des incendies.
Dans ma circonscription, à Aubervilliers et Pantin, plusieurs incendies se sont ainsi déclenchés. Le lundi 28 janvier dernier, une jeune femme de 23 ans, enceinte de trois mois, a été retrouvée morte dans son lit à Bondy en Seine-Saint-Denis. Selon Le Parisien, la victime aurait succombé à une intoxication au monoxyde de carbone, causée par un chauffage de fortune. Au pied de son lit, les secours ont retrouvé une casserole remplie de charbon.
La Seine-Saint-Denis, dont je suis élu, est le département le plus touché par le fléau des intoxications au monoxyde de carbone dues à un chauffage défectueux ou de fortune : 25 % des intoxications recensées. D'innombrables foyers grelottent en espérant ne pas mourir de froid, ou asphyxiés, ou dans un incendie. Ce n'est pas un choix, c'est la pauvreté.
Face à cela, que fait le Gouvernement ? Rien ou pas grand-chose. Il y a un an et demi, il publiait un plan de rénovation énergétique des bâtiments pour le quinquennat, qui est toujours au point mort. Pourtant ce plan serait vital pour les personnes précaires, indispensable pour lutter contre le dérèglement climatique, utile économiquement pour les emplois qu'une telle rénovation impliquerait.
Le Gouvernement ne se donne même pas les moyens d'agir. Ses objectifs sont flous. En un an, le comité de pilotage ne s'est réuni qu'une seule fois. Le financement public de la rénovation énergétique des logements a diminué d'un quart en 2019, en étant amputé de 800 millions d'euros, un montant jamais compensé.
La loi de 2015 avait prévu la mise en place d'un service public de la performance énergétique de l'habitat mais ce réseau, pourtant indispensable, est menacé car toutes les régions ne veulent pas le maintenir. Même avec des délais allongés et des ambitions réduites, il y a un gouffre entre les ambitions et la réalité. Alternatives économiques indique que si la loi vise 500 000 rénovations annuelles pour amener les logements au niveau étiquette énergie B, la réalité serait plutôt autour de 40 000.
Quant aux moyens prévus, ils peuvent financer des dispositifs peu cohérents. À quoi sert de remplacer une chaudière à grands frais, si les travaux d'isolation ne sont pas faits ? En fait, ce qui est comptabilisé comme une rénovation n'est souvent que partiel et peu efficace. Les dispositifs « au geste » ne permettent pas une politique ambitieuse et cohérente et laissent les citoyens démunis.
Le Gouvernement n'a pas non plus pris de mesures contraignantes. Le diagnostic de performance énergétique opposable, annoncé pour 2019, est toujours remis à plus tard.
Dernière astuce employée par le Gouvernement pour faire croire qu'il agit : il envisage de revoir à la baisse le coefficient de conversion en énergie primaire de l'électricité, un tour de passe-passe statistique qui pourrait avoir pour effet de sortir au moins un million de logements de la catégorie des passoires énergétiques. Pour lutter contre les passoires énergétiques, le Gouvernement décrète qu'elles n'en sont pas !
Pour lutter contre la précarité énergétique, il faut se donner les moyens d'agir, en commençant par établir une planification écologique et par accorder des financements à la rénovation des bâtiments. Seule l'existence d'une filière énergétique de haut niveau et sous le contrôle de l'État permettra d'atteindre cet objectif, en garantissant une énergie à des prix abordables. C'est ce dont la France disposait avec des opérateurs historiques comme EDF et GDF, dont la qualité faisait l'admiration et suscitait l'envie dans le monde entier et que vous privatisez.
Nous sommes en décembre. Il y a vingt ans déjà, une terrible tempête balayait le pays, causant d'immenses dégâts. Nous savons à présent qu'elle ouvrait un cycle d'événements d'exception qui témoignent de la gravité du bouleversement climatique. Nous devons donc planifier maintenant la conversion écologique des bâtiments. Aussi cette proposition de loi est-elle la bienvenue.