Je n'approuve pas tous les aspects de la politique qui y est menée mais j'en approuve l'inspiration. Fort heureusement, mes amis de Podemos, qui participent au gouvernement en train de se former en Espagne, vont bientôt permettre une augmentation du salaire minimum et d'autres avantages sociaux, dont vous ne tarderez pas à voir, monsieur le ministre, qu'ils déclencheront une reprise soudaine de l'activité de l'Espagne, actuellement au bord de l'agonie.
Vous, non, vous faites le contraire. Et vous avancez que c'est parce qu'il y a des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis d'Amérique. Je ne nie pas l'existence de ces tensions, mais elles sont le symbole de l'échec d'une certaine théorie, qui, depuis les années Giscard, a dominé la pensée de droite de tous les gouvernements. C'est la théorie selon laquelle le libre-échange et l'extension du commerce dans l'arène mondiale permettraient à chaque producteur national de s'évader des limites et des contraintes du marché national. Qu'avez-vous fait ? Simplement soumettre toute l'économie à la dépendance au nouveau marché international. Dès lors, les budgets publics ne sont souvent plus en état de jouer le rôle contracyclique qu'il était autrefois possible d'obtenir d'eux et qui était la caractéristique principale de l'économie française – ses budgets, son système social constituaient un amortisseur permettant de mener des politiques contracycliques. Vous, vous accompagnez le cycle dépressif, sauf quand les gens descendent dans la rue pour vous arracher des avantages sociaux qui profitent ensuite à l'économie productive.
Cette fuite en avant de votre part, je la trouve une fois encore dans ce projet de budget, je le répète.
Suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % les plus riches qui, jusqu'à présent, n'y avaient pas droit : 8 milliards d'euros à compenser par l'État – car tout cadeau fait d'un côté doit être compensé par le budget de l'État, soit par des versements aux collectivités locales, soit par la réduction de services publics. Chaque fois que vous réduisez le service public, vous pensez que le service privé va prendre le relais ; or ce n'est pas le cas. Et même quand c'est le cas, ça coûte plus cher que le service public, pour des raisons que tout le monde connaît, simples à comprendre : le service public ne rémunère pas d'actionnaires, alors que tout service privé a une charge de plus dans son budget, à savoir le service qu'il rend à l'actionnaire.
Baisse de l'impôt sur les sociétés : 2,5 milliards d'euros de moins dans les caisses de l'État.
Baisse de l'impôt sur le revenu : 5 milliards d'euros à compenser.
Ajoutons pour finir que, d'une génération à l'autre, nous vous voyons avancer. Cette fois-ci, l'impôt sur le revenu, seul impôt à peu près juste par rapport à l'impôt injuste qu'est la TVA – la taxe sur la valeur ajoutée – , pèsera 2,5 fois moins dans les recettes que cette dernière. Ne tardera pas le jour où vous nous proposerez de supprimer l'impôt sur le revenu pour en revenir à la situation du début du siècle précédent, en affirmant qu'après tout, l'impôt indirect est beaucoup plus efficace – il est vrai qu'il ne peut que rapporter plus si, parallèlement, vous baissez l'autre…
Au total, vos cadeaux de toutes sortes représentent 15,5 milliards d'euros, auxquels vous avez ajouté, dans la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises – , une mesure qui n'a pas encore produit ses effets : les pensions versées par des organismes privés bénéficieront d'une réduction d'impôt sur le revenu de 70 %. Cela va nous coûter 1 milliard d'euros.
Le total atteint donc 16,5 milliards d'euros, à la charge de tous les contribuables, soit qu'ils paieront de l'impôt, soit qu'ils souffriront de la réduction des services publics.
De plus, si votre réforme des retraites devait entrer en vigueur, compte tenu de ce que vous avez octroyé aux plus hauts revenus, ceux qui excèdent 120 000 euros par an, 7 milliards d'euros de cotisations ne seront pas versés, dont 4 milliards qui ne le seront pas par les entreprises, dites-vous – en réalité, les actionnaires. S'est-on bien rendu compte que, dans le projet de réforme des retraites, il est prévu 4 milliards d'euros de cotisations patronales de moins, soit presque une fois et demie le cadeau que vous leur avez déjà fait avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune ? Personne n'en parle ? Je le fais. Donc, 1 milliard plus 7 milliards : nous aurons 8 milliards d'euros de moins dans les caisses de l'État.
Si l'on ajoute les 15,5 milliards mentionnés plus haut et les 8 milliards que je viens d'évoquer, nous en sommes à 23,5 milliards d'euros à compenser.
J'espère que nous parviendrons à vous empêcher de faire votre réforme des retraites, malsaine, mauvaise pour l'économie du pays. Le haut-commissaire est déjà parti ; vous pourriez faire partir le reste de la réforme avec lui.