Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mardi 17 décembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 27 bis

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

J'opterai pour la même position que celle de M. le rapporteur général, mais avec des arguments différents, sachant que les éléments que j'évoquerai devant vous pourront aussi être discutés lors de l'examen de l'article 65.

Je voudrais dire, madame Untermaier, que le Gouvernement est évidemment favorable aux objectifs que vous poursuivez en souhaitant le rétablissement de la contribution à l'accès au droit et à la justice. Vous l'avez dit clairement, cette taxe frapperait à la fois les huissiers de justice, les notaires, les greffiers des tribunaux de commerce et les AJMJ – administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires – afin de répondre aux dispositions prévues à l'article 50 de la loi du 6 août 2015 – la loi Macron – dont l'objectif est d'assurer le maillage territorial des professions juridiques pour, ce faisant, favoriser l'accès au droit de nos concitoyens.

Il me semble cependant que cette taxe, telle que vous l'envisagez, pose deux difficultés que j'exposerai brièvement. La première est de nature constitutionnelle. La question du maillage territorial concerne essentiellement deux professions, les notaires et les huissiers, mais pas véritablement les autres, qu'il s'agisse des greffiers des tribunaux de commerce ou des AJMJ. Nous pouvons donc nous demander si cette taxe est bien conforme au principe d'égalité. La seconde difficulté est liée à l'établissement d'une taxe uniforme pour l'ensemble de ces professions, ce qui me paraît en définitive assez peu adapté et difficile à calibrer. Un autre amendement prévoit d'ailleurs un taux différent, aussi la taxe ainsi conçue ne me paraît pas nécessairement adaptée.

C'est pourquoi le Gouvernement formule une autre proposition qui est d'instaurer des contributions volontaires obligatoires adaptées à chaque profession. Ces contributions viendraient, vous l'avez dit vous-même, madame la députée, consolider les dispositifs déjà créés par les notaires et, plus récemment, par les huissiers, et permettraient une forme de péréquation qui donnerait satisfaction à l'objectif que vous souhaitez atteindre, c'est-à-dire l'implantation de ces professions sur l'ensemble du territoire, y compris en milieu rural.

Ces contributions volontaires obligatoires seraient contrôlées par l'État, avec une approbation de la chancellerie. Les professions devraient déposer un rapport sur la consolidation du maillage territorial, qui pourrait être effectué sous le contrôle du Parlement. Et ces contributions pourraient même financer ce qui est également prévu par la loi Macron, c'est-à-dire des opérations interprofessionnelles comme des implantations communes de notaires et huissiers en milieu rural.

Je souhaite que nous introduisions cette contribution volontaire obligatoire dans un prochain véhicule législatif, avant l'été. Cela pourrait être fait, sans que j'en aie l'absolue certitude, avec le véhicule législatif relatif au parquet européen. Nous atteindrions ainsi de manière plus efficace l'objectif de maintenir le maillage territorial. C'est la raison pour laquelle, madame la députée, je vous demanderai de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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