Avant de vous présenter le budget 2018 de la mission Outre-mer et de répondre à vos questions, je tiens à vous remercier pour votre implication, vos travaux et la qualité de vos rapports. J'ai eu l'occasion de rencontrer nombre d'entre vous avant cette réunion et vous avez pu échanger autant que vous le souhaitiez avec mon équipe sur les enjeux de ce projet de budget. Je souhaite renforcer cette méthode et maintenir un dialogue permanent avec les élus de terrain bien au-delà des discussions budgétaires. Lancées le 4 octobre dernier, les Assises des outre-mer voulues par le président de la République seront une occasion supplémentaire de faire avancer les projets que nous savons prioritaires.
Je souhaite discuter les questions budgétaires dans la plus grande transparence et la plus grande confiance, car nous partageons les mêmes objectifs et les mêmes ambitions fortes pour tous les territoires ultramarins.
Le budget 2018 du ministère des outre-mer, parce qu'il est le premier du quinquennat, revêt une dimension particulière. Il donne l'occasion d'affirmer que les territoires ultramarins sont une priorité, dans un contexte de réduction pérenne du déficit public en deçà de 3 % du produit intérieur brut. Atteindre cet objectif suppose de réduire la dépense publique de près de 16 milliards d'euros en 2018. Le sérieux budgétaire est pleinement assumé par le Gouvernement et les territoires ultramarins, comme tous les territoires français, participent à l'effort d'assainissement des comptes publics qui nous permettra de retrouver des marges de manoeuvre et une crédibilité aux plans européen et international, afin de construire l'avenir du pays dans les meilleures conditions possibles. M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a souligné devant moi il y a quelques jours en Guyane, à l'occasion de la conférence des présidents des régions ultrapériphériques, l'importance pour la France d'agir de la sorte.
Mais ces objectifs ambitieux en matière de finances publiques ne doivent pas être atteints au détriment des populations les plus fragiles, et ils ne le seront pas : j'ai la capacité, dans ce ministère, de remplir mes missions essentielles : préserver et renforcer pendant toute la durée du quinquennat les dispositifs destinés à soutenir les plus fragiles et de promouvoir le développement économique des territoires ultramarins. On sait les fragilités de ces territoires, qui sont par ailleurs une richesse pour notre pays. Les caractéristiques socio-économiques, géographiques et démographiques des outre-mer sont connues et justifient sans réserve un accompagnement renforcé.
Les enjeux sont majeurs et l'État est au rendez-vous. Le projet de budget 2018, qui s'établit à 2,020 milliards d'euros, est en hausse de 4,4 % à périmètre constant. Je reviendrai en détail, si vous le souhaitez, sur cette augmentation, réelle, de 85 millions d'euros, qui bénéficiera aux territoires. Par ces crédits, le ministère confirme et accroît son engagement en faveur de la jeunesse, de l'emploi et du développement territorial. À l'horizon 2022, le budget prévisionnel est, à ce stade, en hausse de 10 %. L'État pourra de la sorte honorer l'ensemble des engagements pris en matière de rattrapage des niveaux de développement. De son côté, le document de politique transversale, qui recense les crédits de 87 programmes de soutien à l'outre-mer, montre une augmentation de 336 millions d'euros par rapport à 2017, soit 2,2 %.
Le ministre de l'économie et des finances a indiqué lors de son audition à l'Assemblée nationale en juillet dernier que le projet de loi de finances pour 2018 reflète trois orientations politiques : la sincérité, la justice et l'audace. Ces grands choix transparaissent dans le budget du ministère des outre-mer.
Un budget de sincérité, c'est un budget construit sur des prévisions de dépenses justes et réalistes. L'adéquation des crédits aux besoins permet de limiter les mouvements en gestion, qui finissent toujours par déformer un tant soit peu la présentation détaillée qui accompagne le projet de loi de finances initiale. Or la loi de règlement n'est jamais autant scrutée que la loi de finances initiale… Je pense, par exemple, au périmètre et au volume des crédits effectivement délégués par le ministère : pour 2018, l'ensemble des crédits de la mission correspond effectivement aux actions menées par le ministère. La réserve de précaution a été abaissée de 8 % à 3 % pour faciliter l'engagement des sommes, permettre aux acteurs locaux, comme ils le demandent régulièrement, de mieux mesurer les crédits réellement disponibles, et redonner toute sa portée au vote du Parlement en loi de finances initiale.
Par ailleurs, la budgétisation des compensations d'exonération a été réalisée à la hauteur des prévisions des caisses, ce qui explique l'augmentation de plus de 40 millions d'euros de cette ligne. De la sorte, l'exécution réelle des exonérations de charges ne pèsera plus sur celle des autres actions de la mission.
Nous avons également analysé méticuleusement les consommations constatées, pour prévoir, dès la loi de finances initiale, pour chaque action, les crédits à la hauteur des capacités effectives d'engagement des territoires. En matière d'aide à la mobilité par exemple, je me suis engagée à maintenir les mesures financées en 2017 et à couvrir l'ensemble des besoins figurant dans la loi EROM.
Cette sincérité vaut également pour la perspective triennale. Nous ne ferons aucune promesse qui ne saurait être tenue. D'autre part, vous le savez, le président de la République s'est engagé à ce que « toutes les conséquences des Assises des outre-mer soient tirées dès l'exercice budgétaire [de] l'automne 2018 ». Nous ne verrouillerons pas les Assises en fonction de considérations budgétaires préalables : si un texte de loi spécifique est nécessaire à l'issue des assises, il vous sera soumis.
Ce projet de budget est aussi un projet de justice, qui fait de l'amélioration des conditions de vie des populations ultramarines un fil rouge de l'action. Sans développement territorial, il n'est pas d'égalité réelle. Je me félicite que les discussions que j'ai eues cet été aient permis de renforcer considérablement les moyens de la contractualisation avec les collectivités. Pour 2018, les engagements consacrés à cette politique augmentent de 12 % pour s'établir à 152 millions d'euros. Le ministère s'engage aux côtés des élus pour financer des projets au service d'une politique d'investissements tangibles : routes, quais, réseaux d'eau potable ou d'eaux usés, aménagements urbains… Nous engageons donc une démarche vertueuse alors qu'approchent la révision à mi-parcours des contrats de plan État-régions et l'élaboration des plans de convergences prévus par la loi EROM. Autre exemple de l'importance accordée à l'accompagnement des territoires, l'effort en matière de construction scolaire est cette année particulièrement significatif : 85 millions d'euros sont prévus, contre 30 millions d'euros l'année précédente.
Enfin, le projet de budget n'oublie pas la jeunesse. Les effectifs du service militaire adapté seront renforcés à hauteur de 127 personnes sur le quinquennat, dont vingt arriveront dès 2018.
Un budget audacieux, c'est un budget par lequel on ose aborder les questions d'efficacité, d'efficience et d'adéquation, un budget qui ouvre des chantiers et des perspectives pour l'avenir.
Pour le logement, les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique subissent une légère inflexion de 3,7 millions d'euros, mais ils seront augmentés de 20 millions d'euros par le produit de la cession des parts de l'État au sein des sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM), opération nécessaire pour répondre aux défis du logement social outre-mer. En 2018, nos capacités de paiement en faveur de cette action seront donc fortement accrues.
Le projet de loi de finances pour 2018 donne aussi une priorité aux aides à la construction neuve : les autorisations d'engagement sont maintenues et les crédits de paiement augmentent de 28 millions d'euros, soit 22 %. Les aides à la rénovation de l'habitat insalubre sont également maintenues, et j'ai obtenu le prolongement du financement par le fonds Barnier des démolitions d'habitat informel dans les départements d'outre-mer ; ce fonds a été utilisé pour la première fois en Guyane il y a quelques semaines.
Pour la rénovation de l'habitat privé, les mécanismes de droit commun ont vocation à s'appliquer aussi outre-mer. Mon collègue Jacques Mézard et moi-même allons créer un groupe de travail chargé de définir les moyens d'améliorer rapidement l'intervention de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ; cela suppose en premier lieu la modification réglementaire nécessaire pour que la rénovation par les propriétaires occupants outre-mer puisse être financée par l'Agence. Je suis d'autre part favorable à une réflexion sur le maintien des dispositifs fiscaux permettant de financer ces rénovations, et je souhaite même les élargir aux travaux de renforcement antisismiques et anticycloniques.
Je suis particulièrement sensible à l'adaptation au changement climatique – sans doute, pour partie, en raison des deux années que j'ai consacrées à la préparation de la COP21 aux côtés des pays en développement et des États insulaires… Le ministère des outre-mer ne peut seul répondre à cette nécessité ; le Gouvernement est tout entier mobilisé à cet effet.
Être audacieux, c'est convenir que toutes les solutions pour les outre-mer ne se résument pas à l'équation budgétaire, et se donner les moyens de lever tous les freins qui brident l'initiative privée et même l'action des collectivités ; c'est s'autoriser à penser l'action publique autrement sur ces territoires. La Commission européenne vient par exemple de faire un pas essentiel en faveur de l'aide au renouvellement de la flotte de pêche des régions ultrapériphériques. Ce combat, qui n'est pas lié au budget du ministère, était essentiel pour les territoires ; je sais que certains d'entre vous y ont participé en première ligne.
La réflexion vaut encore plus nettement en matière de logement : au fond, plus que la ligne budgétaire unique, c'est bien la capacité à produire et à rénover qu'il faut sanctuariser et augmenter. Peut-on se satisfaire d'un coût unitaire de construction supérieur de près de 20 % à ce qu'il est en métropole ? Peut-on rester inactif devant la difficulté à mobiliser du foncier ? Doit-on accepter des normes encore trop peu adaptées à nos territoires ? Je mène ces actions vigoureusement dans le cadre du plan logement outre-mer et du futur projet de loi logement, et je sais que je peux compter sur vous à mes côtés. Dès la fin du mois de novembre, je présenterai avec mon collègue des propositions visant à desserrer les contraintes qui obèrent notre capacité à répondre à la demande de logement outre-mer.
Comme l'est ce projet de budget, je vous propose donc d'être sincères, justes et audacieux afin que nos propositions, avancées notamment dans le cadre des Assises des outre-mer, nous portent collectivement vers des solutions qui ne demandent qu'à s'exprimer.