Le premier budget outre-mer de la législature est un rendez-vous essentiel en soi, parce qu'il fixe des orientations politiques et présente leurs déclinaisons financières. Ce budget est d'autant plus important qu'il intervient au terme d'une année marquée par des événements et des circonstances exceptionnels : les mouvements sociaux en Guyane ; les événements climatiques catastrophiques qui ont frappé les îles de Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Martinique et la Guadeloupe ; l'adoption de la loi EROM. Les dépenses outre-mer représentent 3,9 % des dépenses du budget de l'État, et la population ultramarine 4,3 % de la population nationale : autant dire que les outre-mer sont loin d'être budgétivores et que l'effort qui leur est consacré dans le budget de l'État, rapporté à la population concernée, est proportionnellement inférieur à la moyenne nationale. J'espère que ce rappel permettra d'en finir avec quelques idées reçues.
Vous proposez aujourd'hui d'établir les crédits de la mission Outre-mer à 2,104 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,068 milliards d'euros en crédits de paiement – en croissance, respectivement, de 3,6 % et de 4,3 % par rapport aux crédits ouverts en 2017 à périmètre constant. On ne peut que s'en réjouir.
Mais les défis sont immenses, les ambitions tout aussi grandes et les marges de manoeuvre budgétaires malheureusement incertaines. La loi EROM a suscité de grands espoirs dans nos territoires : les plans de convergence devront se traduire à un moment ou un autre par l'augmentation des moyens alloués aux politiques des outre-mer, comme le président de la République a d'ailleurs affirmé lors de son récent déplacement en Guyane. Or, pour la programmation 2018-2020, la mission Outre-mer contribuera largement au redressement des finances publiques, puisque les crédits de paiement baisseront davantage en volume en 2019 et en 2020 que l'ensemble des crédits ministériels.
Plusieurs de mes questions portent sur 2018. Pour commencer, l'action « Logement »du programme 123 diminue de 20 millions d'euros. Cela signifie qu'il y aurait donc moins de constructions et de réhabilitations programmées ; pourquoi cette réduction alors que les besoins sont immenses ? D'autre part, le dispositif dit « équivalent fonds vert » créé par Mme Ericka Bareigts, votre prédécesseure, semble avoir disparu ; quelles raisons vous ont amenée à le supprimer ? Enfin, les documents budgétaires ne mentionnent plus le projet de Cité des Outre-mer cher à Mme George Pau-Langevin, et les crédits de l'action censée le financer sont réduits. Pourriez-vous nous rassurer à ce sujet ?
J'ai souhaité centrer mes travaux sur les dispositifs fiscaux dans la perspective des Assises des outre-mer. En attendant les conclusions, que j'espère tangibles – comme l'a souhaité le président de la République – des Assises, je formule dans mon rapport plusieurs propositions qui feront l'objet d'amendements, aux articles non rattachés en particulier.
Je sais que le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) est appelé à disparaître. Je suis toutefois attaché à ce que les Assises permettent de définir un dispositif équivalent. Je tiens aussi à souligner l'efficacité des mécanismes de réduction d'impôt comme incitation à l'investissement dans les territoires d'outre-mer. La diminution progressive du seuil de chiffre d'affaires en deçà duquel les entreprises ne sont plus éligibles qu'au crédit d'impôt pose un problème majeur de préfinancement. Celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 20 millions d'euros n'ont pas de mal à préfinancer leur avantage fiscal, mais l'abaissement du seuil touchera progressivement des entreprises plus petites, faute d'un mécanisme efficace de préfinancement.
La loi prévoyant, grâce à notre collègue Serge Letchimy, que le passage au crédit d'impôt est conditionné à l'existence de tels mécanismes, une double solution est possible, qui consisterait, d'une part, à maintenir le seuil à 20 millions d'euros – le dispositif lui-même serait prolongé jusqu'en 2022 pour donner la visibilité souhaitable aux investisseurs –, d'autre part à créer un mécanisme de préfinancement qui abonderait l'action 9 « Appui aux financements bancaires » du programme 123 relatif aux conditions de vie outre-mer.
Je propose enfin que les dispositifs de réduction d'impôt dans le secteur du logement soient maintenus, voire étendus. La déconnexion prononcée entre l'offre et la demande de logements justifie une action forte en faveur du logement social, du logement intermédiaire et des travaux de mise aux normes sismiques et paracycloniques.
Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir présenté un budget sincère. Je sais la contrainte budgétaire qui pèse sur les finances publiques mais je regrette qu'une mission destinée à soutenir des territoires en difficulté particulière subisse cette contrainte. Malgré tout, la hausse en valeur en 2018 est un signal positif ; je vous en sais gré et je vous assure de mon soutien vigilant à la réussite de votre politique en faveur de nos territoires.
En conclusion, j'exprime le voeu que les Assises des outre-mer, tout comme les plans de convergence, aboutissent à des mesures concrètes. Nos territoires en ont besoin.