Intervention de Frédéric Petit

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis :

Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », le programme 185 couvre les crédits destinés à mettre en oeuvre la politique d'influence.

Ils couvrent l'enseignement français à l'étranger et l'ensemble des moyens destinés à la diplomatie culturelle, linguistique, universitaire, scientifique, ainsi que les activités liées à la promotion du tourisme.

Pourquoi faut-il suivre cela de près ? Dans un monde où la compétition ne porte plus uniquement sur les ressources et les territoires, mais aussi sur les parts de marché, les innovations et les capacités d'attraction, notre diplomatie globale repose en partie sur la force de la diplomatie culturelle et d'influence. Les industries culturelles et créatives produisent de la croissance (simple exemple : le livre, 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an et deuxième poste d'exportation dans les biens culturels). La France est une « puissance moyenne », elle doit donc avoir une « grande politique » (De Gaulle) : la diplomatie d'influence participe évidemment de cette image

Selon le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2018, la politique définie et conduite par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères s'articule autour de deux priorités : la recherche de partenariats de haut niveau et le renforcement de l'attractivité du territoire ; la promotion des savoir-faire, des idées et de la créativité française auprès de nos partenaires.

Il faut d'abord résoudre l'impossible équation budgétaire en se concentrant sur quelques grandes priorités stratégiques. La force de notre diplomatie d'influence, c'est son universalité. Mais qu'on ne doit pas confondre avec dispersion. On le sait, l'effort de réduction des dépenses publiques va se poursuivre dans les années qui viennent. Il ne s'agit pas d'en exclure le programme 185, mais d'éviter qu'il soit l'éternelle variable d'ajustement financier du budget de l'action extérieure de l'État.

Il faut donc avoir une vision politique de ce que nous voulons pour notre diplomatie culturelle et d'influence à 10 ans et des moyens que nous sommes prêts à y consacrer. Il faut aussi s'interroger sur le périmètre de compétence de l'État, et la manière dont son intervention s'articule avec celle des partenaires associatifs et privés qui participent de notre diplomatie d'influence. Les logiques de co-financements doivent ainsi être encouragées, même si elles ont parfois leurs limites.

Il faut investir des moyens plus substantiels sur les lignes que l'on jugera prioritaires, notamment les dépenses d'intervention du réseau, ou encore le niveau des bourses attribuées aux étudiants en mobilité en France. La diffusion et l'apprentissage du français sont aussi des objectifs qu'il faut se donner les moyens de financer.

Par ailleurs, il convient d'être agile, en lien avec nos priorités stratégiques, qu'elles soient transversales ou géographiques. Or les documents budgétaires ne font pas ressortir avec suffisamment de netteté ces objectifs prioritaires.

Il faudrait aussi une visibilité financière à au moins 5 ans, notamment pour les opérateurs. Certains contrats d'objectifs et de moyens vont être révisés à brève échéance (Campus France cette année, Expertise France l'année prochaine). Je suggère que Bercy soit également signataire de ces contrats et s'engage ainsi sur des montants pluriannuels qui ne seront pas rabotés chaque année sans aucune prévisibilité. Je suggère aussi que les parlementaires soient plus associés à la discussion de ces COM.

Il existe encore des marges de progression. D'une part, dans la répartition des compétences et la lisibilité des moyens – il est difficile par exemple de saisir pourquoi le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ne relève pas du ministère des affaires étrangères, ou pourquoi Business France ne relève pas du programme 185. Évidemment, sur le terrain, ces différences s'estompent. D'autre part, dans les efforts de rationalisation, plusieurs chantiers importants sont en cours notamment le rapprochement de Business France et des CCI, celui de l'Institut et des Alliances françaises, celui de Campus France et d'Erasmus +, dossiers que l'on suivra avec attention.

Enfin, un mot sur l'ambition, affirmée par le Président de la République, de renforcer la présence et l'attractivité de la langue française. Cet objectif doit être porté par l'accès aux médias français, l'enseignement du français et en français (notamment en Afrique) et la place du français sur internet et sur tous les supports numériques. Cela appelle trois remarques.

La première porte sur la nécessité d'une réflexion en profondeur sur l'enseignement français, en français et du français dans le monde. Cet enseignement est à un tournant de son histoire : encore synonyme d'excellence, il n'est pourtant plus de seul modèle d'enseignement étranger et la concurrence est sévère. S'il veut continuer à s'étendre et à répondre aux besoins éducatifs, notamment en Afrique, le système doit se moderniser, être mieux connecté aux réalités locales, se montrer plus innovant dans l'organisation et la pédagogie. Il faut aussi encourager les établissements homologués et faire une promotion active du « Label FrancEducation » et du programme FLAM (Français Langue Maternelle). Enfin, il me semble urgent de revoir le modèle de l'AEFE

Deuxième remarque, il ne serait pas inutile d'avoir une réflexion d'ampleur sur notre audiovisuel extérieur au sens large (cinéma, radio, audiovisuel) qui tienne compte de l'évolution des supports et des modes de consommation des medias. Nous aurons ce débat lors de la présentation de M. Alain David

Enfin, l'harmonisation des initiatives en matière numérique est un chantier à lancer dès maintenant, peut-être le plus urgent. C'est sur internet que la bataille du français se joue et il est essentiel d'y proposer des contenus culturels. La France accuse un retard considérable. De nombreux ministères et opérateurs se sont lancés dans l'aventure du numérique. C'est une bonne chose. Mais parfois en ordre dispersé. Sans vouloir être exhaustif, citons par exemple l'application Immersion France développée par Campus France, en partenariat avec Atout France et TV5MONDE lancée en 2016. L'Institut a de son côté mis en place une plateforme de contenus en ligne, « Culturethèque ». On pourra citer aussi le plan national de numérisation du patrimoine et de la création mis en place depuis 1996 par le ministère de la culture. Le CNED, mais aussi le CIEP, ont mis au point des outils d'apprentissage du français. Il semble urgent de faire le point sur ces initiatives éparses et d'en assurer le pilotage au plus haut niveau, afin d'éviter toute déperdition d'énergie et de moyens.

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