Je remercie mes collègues pour leurs remarques. J'assume le fait que mon intervention n'était pas consensuelle, qu'elle était clivante. Mais c'est souvent le cas en stratégie. Quand le général de Gaulle décidait que la force nucléaire française était « tous azimuts », il signifiait qu'il défendait les intérêts fondamentaux de la France contre toute puissance étrangère, y compris les Etats-Unis. C'était une vision que tous ne partageaient pas, notamment à l'égard d'un pays considéré comme allié, mais qu'il assumait puisque l'usage éventuel d'une telle force relevait de sa décision exclusive.
L'arme nucléaire est d'une nature particulière. Elle n'a pas vocation à être utilisée et si elle l'est, c'est parce que son usage est inévitable, qu'il est la seule option. Pour éviter d'y recourir, il faut éviter d'être en situation de guerre. La dissuasion n'est pas agressive mais elle exclut l'angélisme. Gardons à l'esprit l'importance de l'histoire sur le temps long : nos voisins nous ont envahi quatre fois en deux siècles. La dissuasion est là pour les empêcher de recommencer. Certains d'entre vous ont évoqué la possibilité pour l'Allemagne ou le Japon de se réengager sur des théâtres d'opérations : je ne suis pas d'accord.
Je suis par ailleurs préoccupé par notre dépendance envers la fourniture de matériel militaire par des pays étrangers. En politique, qui paie décide, mais qui fournit décide également. Nous achetons nos fusils à l'Allemagne, nos munitions à Israël. C'est une dépendance que je désapprouve.
Je terminerai en évoquant trois points : en premier lieu, 500 000 personnes provenant du Maghreb ont la double nationalité. Dans un avenir proche, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie compteront 100 millions d'habitants. Il faut impulser une véritable politique avec nos voisins du sud de la Méditerranée. Pourquoi étrangler la Tunisie dans sa dette alors que nous pourrions l'alléger ? En deuxième lieu, le phénomène de montée des eaux n'en est qu'à ses débuts. Il faudra du temps pour que les accords de Paris produisent leurs effets. A court terme, 50 millions de personnes risquent de devoir opérer un déplacement forcé, avec les risques conflictuels que l'on devine. En troisième lieu, plusieurs d'entre vous ont évoqué la puissance chinoise. En dehors de quelques tensions sur des îlots en Mer de Chine, la Chine n'est pas et n'a jamais été une puissance agressive. Elle n'en a pas besoin. Le peuple chinois est pacifique et nous devons le considérer comme un allié.