Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, se saisir du logement social, c'est appréhender plus d'un siècle d'histoire de notre pays. L'exercice est donc par définition difficile, complexe et non sans conséquences. Roger Quillot disait qu'il appartenait à l'État d'offrir aux gens de beaux logements et que c'était là sa contribution à l'oeuvre de libération des individus des chaînes de leur condition. Le logement social constitue, de fait, un moyen, parmi d'autres, de l'émancipation et de l'exercice de la liberté.
Les uniques destinataires des politiques publiques, dans ce domaine, sont les locataires modestes et les demandeurs modestes de logement ; c'est à eux que je pense à cet instant. La réforme qui va être lancée est faite pour eux et seulement pour eux. Le logement social appartient à la nation. Les organismes que l'on baptise « HLM », en sont par délégation les dépositaires, car ils sont agréés par l'État pour exercer leurs compétences. La légitimité de l'État à agir dans ce domaine n'est donc pas contestable.
Je partage la volonté exprimée par le Gouvernement d'améliorer l'efficience de la dépense en matière de politique du logement. En effet, chaque année, notre pays dépense en aides directes près de 20 milliards d'euros et renonce à 20 milliards d'euros de recettes fiscales. Il faut également compter avec l'engagement financier des collectivités territoriales, et parfois de l'Union européenne, en faveur des organismes constructeurs. Si la production de logements est en augmentation – ce qu'il faut saluer – celle-ci ne permet pas, à l'heure actuelle, de satisfaire la demande de logements qui s'exprime dans les territoires dits tendus. À l'inverse, là où les marchés du logement sont en déprise, des besoins de requalification importants se manifestent, mais les moyens des opérateurs locaux sont insuffisants pour faire face aux enjeux. Quant au niveau des loyers en France, il est un des plus élevés en Europe, alors que nous sommes le pays qui dépense le plus en matière de logement.
Le projet de loi de finances est annonciateur d'une réforme structurelle visant à transformer profondément le secteur du logement social, afin de le mettre encore plus au service des territoires et de leurs habitants. Les dernières grandes réformes intervenues dans ce domaine sont anciennes, puisqu'elles remontent à 1946 et 1978. Ce secteur est à présent arrivé à un stade de maturité suffisante pour justifier sa transformation. Il doit d'abord tirer les conséquences, dans son organisation propre, des inégalités territoriales qu'il dénonce fort justement. Il doit aussi trouver les moyens, en son sein, d'agir pour l'intérêt général. L'objectif est double : compléter l'offre de logement et renforcer l'attractivité des villes moyennes. La réforme doit aussi mettre fin à la fracture territoriale, qui continue à se creuser. La loi logement annoncée doit réinventer les attendus d'une politique d'aménagement du territoire. De fait, le constat en la matière est préoccupant : tandis que certains territoires n'arrivent pas à construire de logements, ni les équipements publics qui doivent les accompagner, d'autres, au contraire, démolissent leurs logements et ferment leurs équipements publics. C'est une gabegie d'argent public. Le modèle de logement social à inventer doit pouvoir « s'autoporter » et redécouvrir les vertus des aides à la pierre. Le futur projet de loi logement s'appropriera les conséquences de cette réforme en permettant aux organismes de logement social de mieux valoriser leurs actifs.
Le projet de loi de finances que le Gouvernement nous présente comporte une diminution des dépenses de logement de 1,7 milliard d'euros – je vous renvoie à mon rapport très détaillé sur ce sujet. Je retiendrai trois points essentiels : d'abord, l'augmentation de 12,2 % du budget consacré à l'hébergement d'urgence, qui doit permettre un accueil digne des populations migrantes – pour la première fois, l'État s'approprie les contraintes d'une telle politique d'accueil ; ensuite, le retrait de l'État du financement du Fonds national des aides à la pierre, compensé par le recours à un fonds de concours ; enfin, la réduction du loyer de solidarité, qui contribue à réduire les aides au logement de 1,5 milliard d'euros.
L'électrochoc suscité par l'article 52, et en particulier par la réforme des aides personnalisées au logement, est le signe annonciateur d'une invitation du Gouvernement à négocier pour la famille HLM. Il apparaît nécessaire et sage à votre rapporteur spécial d'imaginer un temps plus long pour la mise en place de ce dispositif. La montée en charge de la réforme sur trois ans pourrait être une hypothèse de travail et de négociation. J'espère que le Parlement votera l'amendement du Gouvernement, qui va dans ce sens. En effet, ce délai permettra aux mesures d'accompagnement du Gouvernement de produire pleinement leurs effets.
Lors du vote de la première partie du projet de loi de finances, j'ai déposé des amendements d'appel, auxquels vous avez été sensibles, sur la nécessité de partager l'effort financier entre des opérations passant par des comptes d'exploitation et des comptes de bilan. Je suis personnellement favorable au relèvement de la TVA de 5,5 à 10 % pour les opérations d'investissement et les achats sur plan, dits ventes en l'état futur d'achèvement – VEFA – des organismes HLM. Je sais que vous êtes ouverts à cette hypothèse de travail et que l'Union sociale pour l'habitat – USH – l'est également.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite aussi appeler votre attention sur la nécessité de rouvrir le débat sur l'APL accession, qui est un instrument très important de promotion sociale pour celles et ceux qui souhaitent devenir propriétaires. L'accession sociale, le logement intermédiaire, le dispositif Pinel sont autant d'outils, selon moi indispensables, au financement d'opérations de restructuration urbaine. Je sais que la négociation avec l'USH se poursuit et je ne doute pas qu'elle réussisse. Vous avez ma confiance. Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour votre capacité d'écoute et les conseils donnés à un député tout juste élu. Je n'oublierai pas non plus l'écoute du Premier ministre et le soutien de mes collègues.