Intervention de Sylvie Quelet

Réunion du jeudi 14 novembre 2019 à 9h50
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Sylvie Quelet, directrice de la prévention et de la promotion de la santé, Santé publique France :

Bien avant le concept d'hésitation vaccinale, l'INPES puis Santé publique France se sont intéressés au suivi de l'adhésion à la vaccination, qui est une approche de l'hésitation vaccinale en première approximation, par deux types d'études : les baromètres Santé et des études ad hoc sur des populations cibles plus restreintes comme les parents d'enfants en âge d'être vaccinés, de façon à connaître les attentes et les besoins, mais aussi les freins et les leviers sur lesquels nous pouvons agir.

Les baromètres Santé sont des enquêtes périodiques, répétées, depuis 1992. Ce sont des études longitudinales pour lesquelles nous avons un grand recul. Elles permettent de piloter les programmes nationaux de prévention et d'orienter les actions de communication. Ces enquêtes reposent sur des sondages portant sur des échantillons constitués de manière aléatoire et par des enquêtes téléphoniques. Suivant les années, la taille des échantillons permet également d'avoir des données régionales voire infra-régionales, afin de piloter les actions de promotion de la vaccination de manière plus précise.

En matière d'adhésion à la vaccination, trois questions sont posées régulièrement depuis les années 2000 : êtes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt pas favorable, ou pas du tout favorable, à la vaccination en général ? Êtes-vous défavorable à certaines vaccinations en particulier ? Et si oui, lesquelles ?

Les baromètres Santé montrent l'évolution des réponses à ces questions. Dans les années 2000-2005, l'adhésion à la vaccination était excellente, au-delà de 90 %. En 2010, l'adhésion à la vaccination chute brutalement, autour de 60 %. Comme l'a dit Mme Opinel, il faut resituer ces réponses dans le contexte politique de l'époque, qui était celui de la crise autour de la vaccination contre la grippe A (H1N1). À la question « Êtes-vous favorable à la vaccination A (H1N1) ? », 41 % de la population répondait de manière négative. Progressivement, l'adhésion à la vaccination a été récupérée, sans cependant jamais retrouver le niveau des années 2000.

En 2017, le niveau d'adhésion à la vaccination est de 77 % (réponses « très » et « plutôt favorable »), à mettre en parallèle avec l'augmentation de la couverture vaccinale contre la rougeole.

Un certain nombre de constantes dans les facteurs influencent l'adhésion à la vaccination. Il y a des disparités d'ordre régional : les régions du nord sont plus adhérentes à la vaccination que les régions du sud, en particulier le sud-est. Ces niveaux d'adhésion à la vaccination sont très comparables aux niveaux de couverture vaccinale. Cela est particulièrement notable pour la vaccination contre la rougeole.

Parmi les autres facteurs, on l'a dit, il y a le niveau de diplôme, le niveau de revenu et le fait d'avoir un enfant. Les personnes qui ont des enfants adhèrent plus, en général, à la vaccination que les personnes sans enfant.

Cela dit, les caractéristiques des personnes qui se déclarent adhérer à la vaccination dépendent aussi du vaccin. Par exemple, les parents d'enfants sont plus réticents à la vaccination contre la tuberculose (BCG) que la population générale, ou les mères de jeunes filles en âge d'être vaccinées contre les papillomavirus humains (HPV) sont plus défavorables à cette vaccination que la population générale. Pour le vaccin anti-HPV, seulement 5 % de la population générale se dit défavorable à la vaccination, alors que les taux de couverture sont très bas ; ils reflètent en réalité le faible niveau d'adhésion des mères.

Nous avons également réalisé en 2018 et 2019 des enquêtes auprès des parents, pour explorer le nouveau contexte politique autour de l'obligation vaccinale. En 2019, 48 % des parents se disent très favorables à la vaccination, 48 % sont favorables à certaines vaccinations et défavorables à d'autres. Les personnes les plus défavorables sont les femmes (54 %), les jeunes de 25-34 ans (54 %) et les personnes « CSP – ». Mais dans la même étude, 86 % des parents disent adhérer à l'idée que la loi va faire augmenter la couverture vaccinale et 77 % que la loi va réduire les épidémies.

En revanche, si, d'après cette étude, l'efficacité des vaccins est bien reconnue par les parents (88 %), ils disent avoir besoin de plus d'informations sur les effets secondaires, sur la composition des vaccins et sur les bénéfices apportés par la vaccination par rapport aux maladies contre lesquelles ils protègent.

Il n'y a pas d'équivalent européen des baromètres Santé qui permette d'avoir ce suivi longitudinal de l'adhésion à la vaccination. Les deux enquêtes que je vais maintenant citer – celle de Heidi Larson et collaborateurs, de 20169, et celle menée par l'ONG Wellcome, en 201810 – ne mesurent que des déterminants à l'adhésion à la vaccination que sont la sécurité et l'efficacité de la vaccination.

L'enquête de Heidi Larson en 2016 montre que la France est l'un des pays où la confiance dans la vaccination est la moins importante. En 2018, l'étude réalisée pour l'ONG Wellcome dans 144 pays montre que la France est le pays dont la population est la plus défiante vis-à-vis de la vaccination. D'après cette étude, 33 % des Français pensent que les vaccins sont peu ou pas sûrs, et 19 % des Français pensent que les vaccins sont peu ou pas efficaces.

Ces résultats font de la France un cas unique de défiance, comparée aux pays qui l'entourent. À part la Belgique et la Suisse, dont les niveaux de défiance s'élèvent environ à 13 % et 20 % respectivement, les niveaux de défiance dans les autres pays sont nettement en-dessous de celui de la France.

La France est également comparable à la Suisse sur la question de l'importance de la vaccination pour ses enfants. Seulement 49 % des Français pensent que la vaccination est très importante. La France est loin derrière la Belgique (où 80 % des personnes pensent que la vaccination est importante) et de l'Espagne (où 75 % pensent que la vaccination est importante). À l'inverse, seuls 10 % des Français pensent que la vaccination est peu ou pas importante, ce qui rejoint l'étude de 2019 dont je vous ai parlé.

Nous allons avoir des données plus récentes en fin d'année sur les baromètres 2019. Il faudra prendre en compte le fait que l'évolution des opinions en matière de vaccination s'inscrit dans le temps long, il sera donc plus intéressant d'examiner les résultats en les incorporant dans une analyse longitudinale que de regarder les chiffres de l'année, seuls.

Nous sommes vraiment conscients de l'importance de la pédagogie et des travaux que nous devons réaliser auprès des parents, et également des médecins, pour les soutenir dans leur action de ré-assurance des parents.

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