Intervention de Pr Alain Fischer

Réunion du jeudi 14 novembre 2019 à 9h50
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pr Alain Fischer, président du comité de pilotage de la Concertation citoyenne sur la vaccination :

- Vous avez raison de mettre l'accent sur HPV. C'est l'un des soucis de la vaccination en France aujourd'hui. Parmi les vaccins recommandés, c'est le vaccin le moins mis en oeuvre, avec un taux de couverture de 20 à 25 % chez les jeunes filles. Dans les pays scandinaves, en Australie, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, ce taux oscille entre 70 et 80 %.

Il est clairement démontré que ce vaccin est capable de prévenir 90 à 95 % des lésions précancéreuses du col de l'utérus. Logiquement, son utilisation avec une bonne couverture aboutirait à une régression de la fréquence des cancers du col de l'utérus, au moins d'un facteur 10. En France, on dénombre environ 3 000 cas par an et 1 000 décès. Si la grande majorité des personnes étaient vaccinées, notamment les femmes, mais les hommes aussi, dans 20 à 30 ans, on devrait en avoir 300 au lieu d'en avoir 3 000. Si 90 % des personnes étaient vaccinées, on aurait ainsi une quasi-disparition des cancers du col de l'utérus, et probablement d'autres cancers, les cancers de l'anus et certains cancers bucco-pharyngés qui sont également liés aux virus HPV, même si les données scientifiques ne sont pas aussi formellement établies.

La famille des HPV est très large, avec de nombreuses souches du virus. La dernière génération de vaccin contient 9 valences, il s'attaque aux 9 virus principaux de la famille des HPV, couvrant à peu près 90 % des cas d'infection. L'efficacité est vraiment solidement établie aujourd'hui par de multiples publications scientifiques, encore récemment dans The Lancet, et notamment avec des données australiennes.

Sa sécurité a été mise en cause par deux types d'arguments : une fréquence accrue de maladies auto-immunes et un sentiment de mal-être transitoire. Une grande enquête française, remarquable, qui a été faite sur plus d'un million de jeunes filles vaccinées ou non vaccinées, montre qu'il n'y a pas d'excès de maladies auto-immunes chez les jeunes filles qui ont reçu ce vaccin, mis à part un très léger excès de syndrome de Guillain-Barré, une forme de maladie neurologique transitoire, mais cet excès n'a pas été confirmé dans d'autres études. En tous les cas, il n'y a pas d'excès de sclérose en plaques chez les jeunes filles vaccinées contre HPV. Sur ce plan, la sécurité de ce vaccin est bonne, et même très bonne, bien qu'elle ne soit jamais parfaite pour aucun vaccin.

Le deuxième argument concernait le fait que les jeunes filles vaccinées avaient des malaises, notamment au Danemark, au Japon et un peu en France. Cela a été mal décrit, c'était un sentiment de mal-être transitoire, des malaises, des pertes de connaissance, etc. Cet effet a été tellement mis en avant au Japon que, transitoirement, la vaccination contre HPV n'a plus été recommandée. À nouveau les données scientifiques qui ont pu être établies à l'échelle internationale n'ont pas confirmé ces effets indésirables.

On peut dire que la sécurité du vaccin contre les virus HPV est bonne et son bénéfice incontestable, même si encore une fois, il faut toujours rester très prudent.

La proposition d'extension aux garçons de la vaccination contre HPV est fondée sur trois arguments. Premièrement, si les garçons sont également protégés, on réduit la diffusion du virus, non seulement pour les hommes, mais aussi pour les femmes. Deuxièmement, on peut probablement réduire aussi les cancers liés à HPV, notamment les cancers bucco-pharyngés qui peuvent toucher les hommes. Troisièmement, si l'on vaccine tous les adolescents entre 11 et 14 ans, avant les pratiques sexuelles, au moment où ils n'ont pas encore été infectés par le virus, la vaccination ne sera plus associée à la vie sexuelle, cette association pouvant probablement poser problème dans certaines familles. Vacciner garçons et filles résout cette question, et l'école est l'endroit idéal pour le faire.

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