Intervention de Cyril Drouot

Réunion du jeudi 14 novembre 2019 à 9h50
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Cyril Drouot, chercheur en sciences de l'information et de la communication :

Au sens où le message crée de l'adhésion à la nature du message porté par le discours. Pourquoi les discours qui mobilisent la vulgarisation créent-ils de l'adhésion ou du consensus ? Il semblerait que ce soit notamment parce que le dénominateur commun à toutes les communications testées et perçues positivement est le fait de faire appel à l'émotion plutôt qu'au bon sens d'une pensée rationnelle.

Le modèle de la vulgarisation permet de mettre en scène une information vaccinale en faisant appel à des émotions qui affectent la raison – une impression de vérité par exemple –, via la mobilisation d'un lexique esthétique riche, utilisant, de surcroît, les nouvelles technologies d'information et de communication. A contrario, les modèles de communication mobilisés par l'institutionnel, l'associatif ou le journaliste généraliste, font appel à d'autres émotions – surtout le sentiment de peur –, et ne créent pas, ou peu, d'adhésion. Ce sentiment de peur peut par ailleurs être produit en cherchant à trop vouloir rassurer, comme on l'a dit. Cela peut être le cas des discours qui ne donnent à entendre qu'un seul point de vue au sujet des incertitudes liées à un danger supposé, plutôt que de faire en sorte de mieux décrire les processus complexes qui façonnent une balance bénéficesrisques positive pour mieux en faire accepter les risques. Ce modèle de communication, qui s'exprime au sujet de la vaccination de manière objective et compréhensible de tous, mais avec confiance et optimisme, est principalement mobilisé par le journaliste spécialiste qui a souvent cette double casquette de médecin et de journaliste. Ce modèle est cependant peu déployé sur internet où communiquent pourtant massivement les acteurs antivaccins.

Je mets à disposition de ceux que cela intéresse des exemples de communication qui créent du consensus, l'une portée par le vulgarisateur, l'autre adaptée au modèle institutionnel.

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Tel qu'il est déployé aujourd'hui dans les médias, le discours vulgarisé du journaliste spécialiste sur HPV crée de l'adhésion. Les hésitants ne demandent finalement qu'à avoir un avis. Je rappelle leur profil : ce sont des personnes qui ont plutôt des conditions de vie excellentes, ont plutôt un mauvais ressenti sur leur état de santé, sont plutôt moins souvent vaccinées, sont plutôt titulaires d'un bac dans les filières sciences économiques et sociales, et passent entre 4 et 8 heures par jour devant un écran.

Quelles recommandations pour les institutionnels pouvons-nous alors émettre ? Tout d'abord, adapter leurs canons discursifs à ceux du modèle de communication reposant sur la vulgarisation scientifique ; ensuite, augmenter leur diffusion en ligne auprès des hésitants ; enfin, sensibiliser les lycéens, et notamment ceux des filières sciences économiques et sociales, pour cibler les populations hésitantes.

De manière très opérationnelle, il s'agirait peut-être de mobiliser et de faire travailler ensemble quatre types d'acteurs : des professionnels de la communication publique, scientifique et vulgarisée, pour produire et augmenter la diffusion sur les sites internet, les réseaux sociaux et les blogs auprès des populations identifiées comme réceptives ; des community managers spécialisés en éthique de la discussion, pour éviter au maximum de susciter la défiance et à l'inverse favoriser le consensus au sein des différents espaces communautaires en ligne ; des journalistes spécialisés dans la santé pour faire du fact checking (vérification des faits) et du « journalisme de solutions »18, ce qui permet, d'une part, d'alimenter les contenus des professionnels de la communication et des community managers précités, d'autre part, de lutter contre la désinformation, dont on vient de voir ce matin qu'elle semble finalement assez contenue ; enfin, des intervenants formés sur les questions de la vaccination pour mener des ateliers de sensibilisation au sein d'établissements de l'enseignement secondaire.

Pour conclure, l'ensemble de ces propositions me semble s'inscrire dans la dynamique de celles émises par le Comité d'orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, présidée par Alain Fischer ici présent, qui les a d'ailleurs rappelées lors de la première table ronde.

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