Intervention de Cédric Bourillet

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 14h00
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Cédric Bourillet, directeur général de la DGPR :

Ce sont des entreprises qui sont agréées. Par exemple, dans les stations-service, qui sont des installations classées, il y a un certain nombre d'obligations : des distances d'éloignement, la présence d'extincteurs, la présence de détecteurs, la présence de sable pour récupérer les éventuels épandages accidentels. L'organisme va venir avec une grille définie par nos arrêtés ministériels pour vérifier la distance en question, la présence de l'extincteur, etc. Ils vont pouvoir mener toute une série de contrôles par rapport aux obligations de nos arrêtés ministériels et, ensuite, pouvoir amener l'exploitant à se mettre en conformité. Il y a tout un dispositif qui est pensé. S'il n'y avait pas de mise en conformité, que cela pose des difficultés, l'État est alerté. Ce dernier peut prendre la relève, notamment pour aboutir à des sanctions le cas échéant. Il y a eu ce choix de recentrer les inspections. Ce n'est pas la seule raison, il faut bien le dire avec honnêteté, il y a eu aussi pas mal de perturbations avec les modifications successives que les organisations ont subies, c'est-à-dire le passage des DRIRE aux DREAL.

Après, il y a eu la fusion entre les régions et la création des grandes régions avec la fusion des DREAL, qui fait que nous passons du temps à nous réorganiser, à nous habituer. La création de cette autorisation environnementale unique, dont je vous ai parlé, fait qu'avant, un inspecteur ne s'occupait que des installations classées et qu'aujourd'hui, il a une palette très large et il y a toute une coordination à faire avec d'autres services, une information à mettre en place. Le coût du changement, c'est toujours de l'énergie qui est dépensée et pendant ce temps, nous ne faisons pas de contrôle.

Nous avons eu des chantiers importants, lourds, nobles. Le premier qui me vient à l'esprit, c'est évidemment les PPRT dont nous avons parlé. Suite à la catastrophe d'AZF, il a fallu mettre cela en place, le temps que les textes d'application soient pris, que des expérimentations soient menées en pratique. Le gros des PPRT a été mené au long des années 2010 à 2019. Sur 388 PPRT, 381 sont aujourd'hui approuvés. Cela ne veut pas dire qu'ils sont mis en oeuvre, mais que nous avons fait tout le travail d'élaboration et de décision en concertation. C'est un travail qui est extrêmement lourd, qui s'est traduit d'abord par une nouvelle salve de réduction des risques à la source en plusieurs centaines de millions d'euros. L'exemple qui a beaucoup été donné dans le cadre de Lubrizol, ce sont ces fameuses sphères de gaz de pétrole liquéfié (GPL) qui étaient entre les bâtiments qui ont brûlé. Si nous n'avions pas fait ce travail, les conséquences auraient été autrement plus dramatiques. Il y a eu une vraie plus-value à avoir mené ces PPRT ; ce n'est pas l'inspection sur site en parallèle. Il y a eu tout le travail pour se concerter avec les parties prenantes et prendre des décisions pour éventuellement faire partir certains bâtiments, comme je le disais, ou en tout cas en faire consolider d'autres. Cette action prend du temps, mais elle est utile parce que les gens qui étaient très exposés, demain, s'il devait y avoir un accident, ne subiront pas de conséquences. C'est aussi un travail qui sauve des vies ou qui évite des blessures à plus ou moins long terme. Pendant que ce travail a été mené, c'était au détriment des missions d'inspection.

Je voudrais mentionner les efforts qui ont été faits en matière de concertation. Aujourd'hui, nous avons des commissions de suivi de site, que nous n'avions pas avant, sur lesquelles nous passons beaucoup de temps d'échanges. Il a été confié à l'inspection des installations classées la mission relative aux éoliennes. Ce n'est pas un sujet catégorisé « SEVESO ». Pour autant, nous savons que ce sont des dossiers sur lesquels il y a énormément besoin que l'État puisse répondre aux questions et interagir, avec beaucoup de phases de concertation. Tout ce travail de concertation est une mission, honnêtement, plutôt nouvelle. En tout cas, nous avons plus d'occasions d'engager des échanges et une concertation avec des élus ou des riverains aujourd'hui qu'il y a 15 ou 20 ans. Ce sont des actions qui prennent du temps également. L'ensemble de ces ingrédients, c'est-à-dire : la montée en puissance des contrôles périodiques qui ont permis de se recentrer sur les choses importantes, les efforts de réorganisation et les différents changements sur lesquels nous avons eu à nous adapter et à mettre en oeuvre, les missions importantes comme les PPRT, les missions d'informations et concertations, ont causé cette baisse.

Nous avons eu deux réactions par rapport à cela. Première chose, c'est de dire : « Évidemment, nous restons proportionnés aux enjeux et donc nous ne baissons pas la garde sur les choses importantes ». Je vous confirme que sur les sites SEVESO, le nombre d'inspections est resté constant. Ce sont à peu près 1 500 inspections par an que nous menons. Ce chiffre est constant ces quatre ou cinq dernières années. Il a même connu un pic il y a deux ou trois ans suite aux questions de malveillance et à un certain nombre d'interventions qui avaient pu être identifiées. Il a été choisi de mener des inspections coups de poing conjointes avec les services de police nationale. Là, il y a eu plus d'inspections qui ont été menées, des inspections très ciblées sur cette question-là. La deuxième chose, c'est qu'aujourd'hui, la phase d'élaboration des PPRT s'achève.

Cela va nous permettre de redéployer du temps et des moyens pour aller vers l'inspection. Notre souhait est de pouvoir ré-augmenter significativement le nombre d'inspections dans les années qui viennent.

Sur le bilan des PPRT, je pense qu'il y a des phases qui ont été très réussies et il y a des phases qui sont encore en devenir. Ce qui a été très réussi, c'est la réduction préalable du risque à la source.

Nous avons essayé de bien faire documenter à tout le monde dans les démarches qui ont été menées les réductions préalables des risques à la source qui ont été faites parce que c'est autant de bâtiments de moins impactés, mais c'est aussi beaucoup d'accidents en moins ou en tout cas des conséquences beaucoup plus faibles. Ce qui a été plutôt réussi aussi, c'est la capacité d'appropriation par les collectivités concernées, par certains des riverains concernés, de ce qui était en jeu. Avant les PPRT, il y avait une connaissance et une conscience plus faibles, y compris par les mêmes élus qui étaient au plus près du terrain d'usine, de ce en quoi consistait l'usine, quels étaient les risques, etc. Ce n'était pas l'objectif premier des PPRT, mais cela a permis une appropriation collective bien supérieure.

Par contre, il y a effectivement des choses qui sont encore en devenir. D'abord, la mise en oeuvre des mesures foncières, celles qui sont les plus importantes et les plus urgentes : expropriation, délaissement… Ce n'est encore qu'en cours. C'est un travail très lourd parce qu'il y a les services du domaine qui doivent procéder aux évaluations. Ensuite il faut trouver un point de chute pour les personnes qui sont expropriées, qui sont parfois dans des situations sociales compliquées. Les gens qui habitent accolés à des usines ne sont pas forcément dans les quartiers les plus bourgeois et ne sont pas ceux qui sont le plus en capacité à se projeter dans des projets comme cela et à habiter ailleurs dans un endroit moins exposé, mais potentiellement un peu plus coûteux. Il y a beaucoup d'accompagnement à faire, c'est quelque chose qui prend du temps si nous voulons le mener de façon très humaine.

Il y a les travaux chez les riverains. C'est la consolidation des bâtiments dont on pense qu'avec des travaux raisonnables, ils peuvent protéger leurs occupants, que ce n'est pas la peine de demander à tout le monde de partir. Pour ces travaux-là, les situations de solutions de financement ont mis longtemps à se dessiner. Il a fallu plusieurs lois de finances consécutives pour trouver des solutions de financement. Nous avons encore des sujets d'accompagnement des riverains. Ce n'est pas tout de leur dire : « Vous pouvez être impactés par une onde de surpression de 50 millimètres, donc il vous faut mener des travaux pour protéger votre bâtiment ». Le niveau de 50 millibars n'est pas forcément évocateur, quand bien même pour une personne ayant des notions en sciences et en physique. De là à savoir comment protéger son appartement ou sa maison, c'est autre chose. Tout un accompagnement a été progressivement mis en place. L'association AMARIS que vous avez sans doute auditionnée ou que vous allez auditionner met l'accent sur d'autres interrogations, notamment sur les biens publics puisque la loi aujourd'hui n'apporte pas de soutien financier ou technique aux biens publics qui seraient dans la même situation ni même d'ailleurs aux biens des entreprises qui peuvent être impactées. Le choix n'a pas été fait d'apporter des solutions financières. Ce sont des questions qui restent en suspens.

Par rapport à la question que vous avez posée, Monsieur le président, sur l'augmentation des accidents repérés par le BARPI, si nous avons mis en place le BARPI et cette base de données, c'est justement pour essayer de repérer les choses. C'est une base de données qui progresse encore, qui fait que nous déclarons et ajoutons de plus en plus de choses que précédemment, où nous ne faisions pas remonter et nous ne répertoriions pas. Ce n'est pas facile de tirer des conclusions d'une année sur l'autre parce que nous ne sommes pas sur la même assiette.

En revanche, il y a des indicateurs que nous suivons avec une grande attention pour savoir où nous en sommes. Le principal indicateur pour les sites SEVESO est très simple : la directive européenne SEVESO oblige tous les États membres, à partir d'un certain nombre de critères sur le degré de gravité des accidents et leurs conséquences, à rapporter les accidents sur des sites SEVESO. Ce sont des critères stables et nous avons donc une assiette de comparaison qui est stable depuis plusieurs années.

Ce que nous constatons, en chiffrant les trois dernières années, c'est que nous sommes tout à fait stables ; ce sont six à sept accidents par an que nous notifions à la Commission européenne.

À titre de comparaison, l'Allemagne, c'est deux à quatre fois plus tous les ans. L'Allemagne est l'autre grand pays qui a, certes, beaucoup d'établissements SEVESO, c'est donc toujours un peu notre étalon. Ce sont deux à quatre fois plus d'accidents alors qu'il n'y a pas quatre fois plus d'établissements SEVESO en Allemagne qu'en France. Il y en a sensiblement plus, mais pas dans ces proportions. En résumé, il y a une stabilité des accidents que nous notifions à la Commission européenne par rapport à ces critères. Quand nous nous comparons à nos voisins allemands, nous ne sommes pas dans un taux d'accidentologie plus inquiétant. Aucun accident n'est satisfaisant, mais en soi, nous n'avons pas une tendance par rapport à cet indicateur-là et ce critère-là sur les établissements SEVESO qui montrent une évolution extrêmement significative sur 2016, 2017 et 2018.

Sur l'état des postes DREAL par DREAL, nous pourrons vous communiquer cela. Cela prend un peu de temps à faire puisque dans la méthodologie budgétaire – vous la connaissez – nous notifions sur un programme complet. Le programme n'est pas spécifiquement « ICPE », mais nous pouvons leur demander de nous le remonter. Par contre, vous donner au niveau national la chronique, toutes régions confondues, des postes qui ont été budgétairement pourvus, nous savons le faire, c'est suivi. Il n'y a aucune difficulté pour vous transmettre cela. Je le note pour vous l'envoyer ce soir ou dans les tout prochains jours.

Sur les plateformes et le fait qu'il y ait plusieurs sites industriels sur une plateforme, effectivement, nous avons la volonté autant que possible d'avoir une approche intégrée sur l'ensemble des plateformes. À la suite de l'adoption d'un amendement à la loi PACTE et au décret qui a été publié il y a quelques semaines tout juste, il y a la possibilité d'avoir des approches de plus en plus approfondies en matière de plateformes. Sans attendre ces approches-là, nous avions déjà mis en place dans les grands bassins industriels, pour les grandes plateformes, un système de coordination des exercices, des plans d'urgence. Lorsque les PPRT se croisent entre établissements, nous n'avons pas fait des PPRT distincts, mais conjoints, cumulatifs. Il y a historiquement déjà des habitudes, avec les outils juridiques qui sont les nôtres, d'avoir cette approche coordonnée par plateforme.

Une des difficultés que nous pouvons avoir par rapport à des questions que vous avez posées, c'est que lorsqu'un exploitant est une installation classée, et a fortiori un site SEVESO, l'État peut aller mener une inspection et lui demander de rendre compte régulièrement des quantités qu'il stocke et des effets potentiels. Lorsque le bâtiment n'est pas une installation classée ou n'est pas une installation classée soumise à obligation d'étude de danger, le pouvoir d'entrer sur le site n'appartient pas à nos équipes. Théoriquement, ces sites, nous n'avons pas le droit d'y entrer et ils ne sont pas censés avoir des quantités extraordinaires de matières dangereuses susceptibles de provoquer des suraccidents. Fondamentalement, il y a quand même cette différence entre des sites qui sont des installations classées, qui sont soumis à autorisation, à des études de danger et, à l'autre bout du spectre, des sites qui ne sont pas du tout des installations classées, s'agissant de notre capacité à y pénétrer pour savoir ce qu'il y a et à en modéliser les effets en cas d'accident.

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