Je suis vétérinaire praticienne « mixte », c'est-à-dire que je travaille à la fois avec des animaux de compagnie et des animaux d'élevage à Boos. La commune n'a pas été impactée. Mais nous avons une forte activité d'élevage sur la commune de Préaux qui a beaucoup fait parler d'elle à la suite de certains prélèvements, non pas de sol, mais de suie. Les premiers appels que j'ai reçus provenaient d'éleveurs de cette zone-là : ils m'ont même envoyé des photographies de flaques noires dans leur élevage. En application du principe de précaution, je recommande de rentrer les animaux, d'éviter qu'ils boivent dans les abreuvoirs, de les nourrir dès que la pluie s'est arrêtée par des fourrages s'ils le pouvaient, puisque certains éleveurs n'avaient pas encore envoyé leur lin, les bâtiments étaient pleins. Ils ne pouvaient pas rentrer ces animaux. Ce sont des exemples de stress qui nous sont remontés.
Je rejoins mes collègues sur l'attente qui était interminable avant de savoir ce qui allait se passer. Dix jours après, les questions qui me revenaient concernaient l'ensilage, et « les bêtes seront-elles malades si elles mangent les poussières ? ». J'ai eu énormément de questions là-dessus parce que cela coûte d'ensiler et qu'il allait peut-être falloir jeter.
Certains de mes éleveurs ont regretté que des journalistes aient débarqué chez eux et aient profité de leur stress pour faire gonfler toute cette affaire Lubrizol. Ils l'ont mal vécu.
Nous apprenons de nos erreurs pour essayer de revenir aux données scientifiques, de vraies données. Nous attendons beaucoup des prélèvements de l'État. Comme cela traînait un peu, certains éleveurs ont fait marcher leurs assureurs pour faire des prélèvements chez eux en attendant de savoir ce qu'il allait advenir, ce qu'il y avait vraiment dans ces poussières. Ils sont dans une véritable attente scientifique.
Nous avons également été consultés par des particuliers. Notre territoire étant très rurbain, il y a donc une grande présence de petits animaux de compagnie, avec des productions familiales. Les particuliers se demandent s'ils peuvent manger le poulet du jardin ou les oeufs. Cette aura de la profession permet de tout chapeauter, du prix à l'assiette.
Des circuits courts déplorent une vraie chute d'activité et aimeraient une communication ouverte et transparente de l'État qui appuierait sur la non-toxicité des produits et des poulets de Préaux. Ils disent que la confiance avec leurs clients reparaît, mais que c'est encore un peu en deçà de ce qu'ils pourraient espérer. Là-dessus, mes éleveurs laitiers disent qu'avec leur interprofession, ils ont été gâtés. Ils se sont même excusés d'avoir oublié notre producteur d'oeufs de Préaux, qui a été maintenu sous arrêté quatre à cinq jours de plus. C'était amusant de les voir discuter ensemble et se soutenir comme cela. Quelle que soit la production, ils ont vraiment vécu cela ensemble. Parfois, on se concentre sur soi et on oublie les autres et là, il y avait vraiment cette solidarité entre eux quand j'ai pu les réunir pour avoir leur retour.
La question santé qui revient souvent porte sur la fièvre catarrhale ovine (FCO), un virus que nous avons subi il y a quelques années. Il y a eu beaucoup d'indemnisation sur les mortalités des animaux adultes en aigu, juste après la crise, et beaucoup moins d'indemnisation à terme quand il y avait des malformations des veaux. Il y a eu beaucoup de pertes économiques de façon secondaire. Là, ils attendent beaucoup de ce qu'ils appellent « l'Acte II de Lubrizol ». C'est du suivi à la fois chimique avec ce qu'il y a dans le sol, les risques sur la santé et sur la livraison des productions animales, mais aussi d'un point de vue rentabilité de leurs élevages. On nous attend beaucoup, nous les vétérinaires de terrain, sur les performances de reproduction des élevages. « Le nuage a-t-il fait avorter ? », par exemple. Nous avons des suivis d'élevage avec des performances. Nous allons nous concentrer là-dessus, pour voir s'il y a une répercussion dans les mois à venir. C'est difficile à dire aujourd'hui. Voilà ce qu'attendent les éleveurs agriculteurs de notre profession.