Cette proposition de résolution de notre collègue Éric Woerth, président de la commission des finances, a pour but d'ouvrir un débat sur l'importance de la compétitivité du système bancaire européen dans le financement de notre économie, notamment au regard des règles issues des accords de Bâle III. À l'heure où l'Europe et la France sont confrontées à une double révolution technologique et environnementale, il est essentiel de préserver nos capacités de financement en la matière. Il s'agit en effet de doter le continent européen en général, et la France en particulier, de la capacité à financer la révolution technologique.
Sur les cent plus grandes entreprises numériques cotées en 2018, quarante-neuf sont américaines, quatorze sont chinoises et deux seulement sont françaises. Pourquoi ? En raison d'un manque de liquidités qui pousse des pépites européennes dans les bras d'investisseurs étrangers disposés à répondre à leurs besoins.
L'analyse de la crise mondiale de 2008 a révélé que ses conséquences dramatiques sur les banques étaient surtout dues au niveau de risque élevé qu'elles avaient atteint, à l'aune de ce que pouvaient absorber leurs fonds propres. C'est pourquoi il s'est avéré nécessaire d'instaurer, dans le cadre des accords de Bâle III, un ratio mesurant les fonds propres des banques par rapport à leurs actifs, afin d'améliorer leur solvabilité en cas de pertes.
Sur le principe, cette mesure de précaution serait acceptable si nous étions dans une situation d'égale compétitivité de part et d'autre de l'Atlantique. Si je devais recourir à une analogie sportive, je dirais que les secteurs bancaires européen et américain ne boxent pas vraiment dans la même catégorie.
Ainsi, les règles des accords de Bâle III n'affectent pas de la même façon la compétitivité des banques européennes et celle des banques américaines. En effet, leur application équivaudrait à exiger un renforcement de 24 % des fonds propres des banques européennes, contre seulement 1,5 % pour les banques américaines. Cela contraindrait les banques européennes à y consacrer l'intégralité de leur capacité de financement pendant plusieurs années, induisant une diminution de leur capacité de financement de l'économie, à l'heure où nos secteurs stratégiques en ont le plus besoin.
En outre, il faut garder à l'esprit que les accords de Bâle III ne sont pas contraignants tant que les États ne les ont pas transposés dans leur droit interne. Ainsi, la mise en place du ratio d'effet de levier bénéficie largement aux États-Unis, dont le système de surveillance prudentielle repose sur cette disposition depuis longtemps.
Or, malgré sa simplicité apparente, qui fait son attrait, celle-ci est d'application profondément inégale. En effet, les différences entre conventions comptables permettent à un bilan américain de ne représenter que la moitié de celui qui résulterait de l'application des référentiels européens.
En outre, l'importance du bilan dans son calcul a incité les banques américaines à multiplier les opérations hors bilan, par le biais de titrisations risquées, dont le danger a favorisé l'émergence de la crise de 2008. Les déclarations du gouvernement américain à ce sujet laissent penser que les futures réformes Bâle ne seront pas appliquées, alors même que la spéculation est repartie de plus belle et que l'éventualité d'une nouvelle crise est de moins en moins improbable.
La pénalisation des établissements européens au profit de leurs rivaux américains risque d'entraîner des conséquences négatives pour l'économie européenne, d'autant plus que le secteur bancaire est un pilier fondateur, donc indispensable, de nos sociétés modernes, ainsi qu'un enjeu de notre souveraineté économique.
C'est pourquoi le groupe UDI-Agir soutient la proposition de résolution présentée par notre collègue Éric Woerth et cosignée par plusieurs députés, dont cinq présidents de groupe, et invite le Gouvernement à oeuvrer, lors de la transposition des accords de Bâle III, à la réalisation des ajustements nécessaires pour protéger les banques françaises et s'assurer d'un niveau de contrainte proportionné.
Nous espérons que la présente proposition de résolution inspirera nos partenaires européens, s'agissant notamment de l'enjeu de souveraineté que constitue la préservation du secteur bancaire européen. Seule une réponse coordonnée à l'échelle européenne est envisageable pour faire face à ces défis, en période de crise mais aussi hors période de crise.
Compte tenu des distorsions de concurrence entre nos banques et les banques américaines, renforcer l'harmonisation européenne n'est plus une simple solution, c'est une nécessité !