Ce refus fonctionnera comme une dénonciation du moment économique et financier, dont j'aimerais rappeler le contexte, qui ne date pas de 2008.
Depuis le 15 août 1971, les États-Unis d'Amérique se sont donné le droit d'imprimer autant de papier-monnaie qu'ils le veulent, sans aucune contrepartie matérielle permettant d'en assurer la réalisation. Depuis cette date, nous assistons au développement d'une économie totalement artificielle et financière, dans le sens où elle est dépourvue d'objet matériel permettant d'en assurer la contrepartie.
Un univers particulier, celui de la bulle, s'est donc développé. On y réalise des taux de profit et d'accumulation certes particulièrement excitants, mais dépourvus de réalité s'ils devaient être ramenés au monde matériel. Dès lors, un modèle économique particulier s'est déployé : à l'heure actuelle, la dette privée mondiale s'élève à 250 000 milliards de dollars, soit 320 % du PIB mondial !
L'artificialisation de l'économie que ce chiffre met en lumière est démontrée par le rapport que l'on observe entre la progression des valeurs boursières et celle de la production réelle. Les valeurs boursières progressent de près de 30 % sur une année, au moment précis où l'économie mondiale est à son niveau le plus bas, présentant une croissance globale de 2,9 % à peine. Il y a là un signal très fort du découplage de l'économie réelle et de l'économie financière.
Les chiffres de la bulle financière sont accablants. À l'heure actuelle, les marchés financiers représentent 150 fois les échanges réels. La capitalisation boursière mondiale atteint 70 000 milliards de dollars. Or le pic atteint avant la crise de 2008 était de 63 000 milliards de dollars. Comme la progression de la production offrant les contreparties matérielles ne s'est pas présentée, cela signifie que la situation s'est aggravée, et que les possibilités d'explosion de la bulle financière sont aujourd'hui plus fortes que jamais.
Cette situation est aggravée par des facteurs de fragilisation du système, notamment le trading à haute fréquence – pour ne citer que lui, j'en citerai d'autres dans un instant – , en raison duquel la durée moyenne de détention d'une action à la Bourse de New York, qui était autrefois de plusieurs années, puis de plusieurs mois, est à présent – on peine à le croire – de vingt-deux secondes. À ce niveau de fonctionnement et d'excitation des échanges, il est clair que ceux-ci n'ont plus de rapport avec la réalité et sont à la merci de n'importe quel événement.
Si nous nous penchions sur le fond des échanges réels, nous nous apercevrions mieux encore de la difficulté de la situation. On a autorisé, sans prévoir aucun contrôle, la titrisation des dettes des entreprises. On l'a autorisée en Europe, alors même que l'on sait qu'elle constitue l'une des causes de la crise de 2008.
Cela signifie que des prêts de plusieurs milliards d'euros circulent entre les entreprises, sans que vous n'ayez sur eux aucun contrôle, monsieur le président de la commission des finances. Vous n'avez pas davantage idée de leur ampleur, car nous ne procédons qu'à des évaluations générales, sans moyens concrets de vérification. De même, les prêts entre entreprises échappent totalement à l'examen.
Cela nous amène au moment où l'on voudrait ne pas s'en tenir à l'accord de Bâle. Peut-être s'agit-il, pour ceux qui écoutent d'une oreille distraite, …