Tout le monde approuve l'objectif d'un système bancaire et financier résilient et stable pour prévenir les mécanismes observés en 2008 : il n'y a pas de débat sur ce principe. Des progrès considérables ont d'ailleurs été réalisés en la matière, sous l'impulsion du G20 et du Comité de Bâle, et grâce aux travaux du législateur européen. L'union bancaire en Europe en est une concrétisation marquante : ses mécanismes de supervision unique et de résolution unique sont désormais applicables. Les ratios de solvabilité des banques européennes se sont accrus de manière significative.
En revanche, on ne peut pas accepter que celles-ci se voient imposer des contraintes injustifiées, et disproportionnées par rapport à celles que subissent leurs concurrentes américaines. Or, c'est bien ce que risque de provoquer la transposition en droit européen du texte du Comité de Bâle de décembre 2017. La méthode d'évaluation des risques retenue par le Comité, en privilégiant la pondération forfaitaire des risques par rapport à leur évaluation interne, pénalise grandement le système bancaire européen.
Comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution dont nous débattons, les études d'impact publiées par le Comité de Bâle et l'Autorité bancaire européenne sont extrêmement inquiétantes pour les banques européennes, et françaises en particulier. L'application de l'accord de 2017 pourrait accroître de 24 % les exigences en capital des banques européennes, contre 1,5 % pour les banques américaines, alors même que ces dernières ont en moyenne une rentabilité bien supérieure à celle des banques européennes.
Il est donc nécessaire que la transposition de l'accord de Bâle III n'entraîne pas un tel renforcement des exigences prudentielles. Il ne s'agit pas de faire un cadeau aux banques, mais de leur permettre de soutenir nos entreprises et nos emplois – de leur permettre, tout simplement, de faire leur métier. Remarquons que l'économie européenne est principalement financée par les banques tandis que le financement de l'économie par les marchés financiers occupe une place plus importante aux États-Unis. Les conséquences économiques d'une transposition maximaliste de l'accord de Bâle III seraient donc particulièrement fortes pour les entreprises européennes.
Alors même que l'on constate le redémarrage de notre économie, pourquoi contraindre la compétitivité des entreprises européennes et créer une distorsion de concurrence entre les banques européennes et les banques américaines ? Il serait difficilement compréhensible que la transposition de l'accord de Bâle III aille à rebours des engagements politiques pris en amont de l'accord ainsi que des alertes parlementaires.
Ainsi, le Conseil de l'Union européenne indiquait, en juillet 2016, que les réformes lancées par le comité n'étaient pas censées « donner lieu à un renforcement sensible des exigences globales de fonds propres pour le secteur bancaire ». Cette formule semble avoir été inutile. Il indiquait également qu'elles ne devaient pas entraîner de différences importantes entre les régions du monde. Il faudra y veiller au moment de la transposition. Le Parlement européen et le G20 avaient eux aussi affirmé ces deux principes en amont.
Sur le même sujet, tant l'Assemblée nationale que le Sénat se sont inquiétés, dans des résolutions de mai et de juin 2016, de l'impact des négociations de Bâle sur les crédits immobiliers. Leurs craintes étaient fondées puisque l'application de l'accord de Bâle pourrait multiplier par 2,6 le coût réglementaire du crédit immobilier.
Le projet de la Commission européenne de transposition des accords de Bâle du 7 décembre 2017 sera déterminant. Il sera présenté dans le courant de cette année : il n'est donc pas trop tard.
En matière de réglementation prudentielle, tout est une question d'équilibre entre la prévention des risques à venir et la préservation de la qualité du financement de l'économie, et donc du soutien à l'activité économique et à l'emploi. Nous redoutons que l'équilibre de la transposition de l'accord du Comité de Bâle ne soit pas satisfaisant ; la nouvelle réglementation risque d'être injuste et dangereuse. Nous devons rechercher le meilleur équilibre possible ; nous comptons sur le Gouvernement pour qu'il y travaille.
La présente proposition de résolution demande le respect du mandat politique qui devait guider les négociations en amont de l'accord de Bâle.
Vous l'aurez compris, le groupe La République en marche soutient cette proposition transpartisane, dont l'initiative revient au président de la commission des finances Éric Woerth. Je l'en remercie, comme je le remercie plus généralement, alors que je vais quitter dans quelques jours mes fonctions de rapporteur général du budget, pour ces deux années et demie de collaboration fructueuse dans le respect réciproque de nos opinions.