Intervention de Sébastien Nadot

Séance en hémicycle du mardi 7 janvier 2020 à 15h00
Financement de l'économie dans le cadre de la transposition de l'accord du comité de bâle de 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Nadot :

La proposition de résolution visant à protéger la compétitivité du financement de l'économie dans le cadre de la transposition de l'accord du Comité de Bâle de 2017 est très intéressante, car elle permet de débattre d'une matière très importante, certes éminemment complexe, mais qui peut toucher et changer le cours de la vie de millions de personnes.

Permettez-moi de rappeler ici ce qu'est le Comité de Bâle, dans le cadre duquel sont nés péniblement les accords de 2017. Officiellement dénommé « Comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires », le Comité de Bâle a été créé par les gouverneurs des banques centrales des pays du G10 en 1974 à la suite de perturbations sur le marché des changes causées par la faillite de la banque Herstatt en Allemagne de l'Ouest.

Le mandat du Comité de Bâle est de renforcer la régulation et d'améliorer la supervision et les pratiques bancaires dans le monde entier dans le but d'accroître la stabilité financière. Aujourd'hui, les membres du Comité de Bâle sont les banques centrales et les régulateurs bancaires de vingt-huit pays ou entités juridiques dans le monde, principalement les pays du G20. Neuf États membres de l'Union européenne y siègent, aux côtés de la Banque centrale européenne qui représente l'Union. La Commission européenne et l'Autorité bancaire européenne y ont un statut d'observateur, ce qui explique en partie la proximité qui existe entre les règles de Bâle et le cadre réglementaire de l'Union.

Précision utile : les standards du Comité de Bâle ne sont pas directement contraignants juridiquement. Néanmoins, les membres du Comité prennent l'engagement moral de les inscrire dans leurs dispositifs législatifs et réglementaires.

Après Bâle I qui visait à l'instauration d'un seuil minimal de fonds propre, Bâle II qui réclamait une meilleure surveillance interne des risques des banques et demandait des efforts sur la transparence, Bâle III a principalement considéré qu'il était nécessaire d'établir un ratio mesurant les fonds propres par rapport aux actifs de la banque, c'est-à-dire de fixer un seuil de sécurité.

En effet, Bâle III provient de l'analyse des effets de la crise de 2007-2008. L'impact de la crise sur les banques est venu de la croissance trop rapide des bilans et hors bilans des banques, associée à une faible qualité des fonds propres.

Comme les fonds propres sont censés couvrir les risques, Bâle III a conclu à la nécessité de les augmenter. De 2008 à 2015, les fonds propres des grands groupes bancaires français ont été portés de 132 à 275 milliards d'euros. Il y a donc eu un effort quantitatif. L'accord du Comité de Bâle de 2017 considère qu'il faut aller plus loin en établissant un plancher de fonds propres, dit « output floor », à 72,5 %.

L'Allemagne, d'abord très réticente, avait fini par accepter cet accord, tout comme les négociateurs français. A-t-on bien négocié alors ? C'est manifestement une question qui se pose aujourd'hui.

Faut-il par ailleurs préciser que, de part et d'autre de l'Atlantique, deux visions s'opposaient sur la façon de calculer les risques présents au bilan ? Derrière un débat hautement technique, ce sont deux philosophies de la gestion du risque qui s'affrontent, sur fond de guerre économique. On les voit ressurgir ici.

Vouloir supprimer des réglementations qui protègent au nom de la compétitivité est finalement assez logique, considérant les logiques libérales des décideurs politiques franco-allemands actuels.

Mais – car il y a un mais, et même plusieurs – les arguments de la résolution considèrent comme un fait acquis que des banques mieux capitalisées et plus sûres seront moins à même de servir l'économie productive. Cela reste entièrement à démontrer.

Par ailleurs, la résolution affirme que les accords de Bâle III désavantagent les banques européennes par rapport à leurs concurrentes américaines, du fait du plancher de fonds propres. Mais la législation américaine est plus sévère : est-ce vraiment là le problème que rencontrent aujourd'hui les banques européennes ?

La résolution affirme que « depuis dix ans, la capacité des banques à résister aux chocs économiques s'est considérablement renforcée ». Cette certitude est étonnante ! Comment mesurer cette résistance, à moins qu'une crise ne survienne ?

Deux points essentiels demeurent donc en suspens. D'un point de vue du multilatéralisme et des relations internationales, si la France revient sur un accord de cette nature, qui respectera l'accord suivant ?

Mais, surtout, que se passera-t-il si ce qui s'apparentait à un filet de protection supplémentaire s'avère finalement nécessaire, alors qu'on l'a supprimé ? Ce sont les populations les plus fragiles qui seront exposées à la prochaine crise financière. Cette résolution semble ignorer non seulement le coût social et budgétaire considérable des crises financières, mais aussi que la prochaine crise financière guette.

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