Autant le dire tout de suite, je porte un jugement nettement plus positif que la rapporteure sur ce texte. Je suis certes attentive à la mise en oeuvre d'une politique d'asile, d'immigration et d'intégration respectueuse du droit international et du droit national, et je considère l'immigration légale comme une richesse.
Or ce texte nous incite justement à considérer la migration dans une optique bilatérale et sous un angle positif. Mme la secrétaire d'État Amélie de Montchalin a rappelé le contexte particulièrement favorable dans lequel la France a négocié avec l'Arménie. Cette petite république a besoin de ses forces vives, elle sait ce qu'est la migration. Ce dont nous parlons ici, c'est de la réadmission de personnes qui n'ont pas vocation à s'établir sur notre territoire. L'accord dont il est question a été signé dans le contexte d'une hausse des flux de ressortissants arméniens vers l'Union européenne ; il a pour objet principal d'établir, sur une base de réciprocité, des procédures d'identification et de rapatriement en toute sécurité des personnes en séjour irrégulier.
La France et l'Arménie entretiennent de solides relations bilatérales. Depuis l'indépendance de l'Arménie, en 1991, les liens ont été marqués par la reconnaissance du génocide arménien par la France, en 2001, la co-médiation de la France dans le conflit du Haut-Karabagh et le soutien français à la conclusion, en 2017, d'un accord de partenariat global et renforcé entre l'Arménie et l'Union européenne. Le Président de la République a par ailleurs décidé, en 2019, d'inscrire au calendrier français le 24 avril comme journée nationale de commémoration du génocide arménien.
Ces liens se sont encore renforcés depuis qu'en mai 2018, le Parlement arménien a désigné au poste de Premier ministre la figure emblématique de la contestation, Nikol Pachinian. Celui-ci a constitué un gouvernement largement rajeuni qui s'est fixé pour objectif de moderniser la vie politique et de combattre la corruption sans modifier les orientations géostratégiques du pays.
Toutefois, c'est surtout grâce à la présence en France, depuis 1915, d'une importante communauté d'origine arménienne que la France et l'Arménie ont noué une amitié désormais enracinée dans l'histoire. C'est en particulier le cas à Valence, dans ma circonscription, où se trouve le remarquable Centre du patrimoine arménien. L'importance de cette communauté explique en grande partie pourquoi la France est le premier pays d'accueil des Arméniens en Europe, avec un peu plus 20 000 ressortissants. Le fait migratoire a donc historiquement modelé les relations privilégiées qu'entretiennent la France et l'Arménie, ainsi que la volonté commune de nourrir davantage nos échanges.
Le protocole d'application reflète la spécificité des relations bilatérales et la priorité qu'accorde l'Arménie à la question migratoire. Je voudrais, pour l'illustrer, donner l'exemple d'une bonne pratique instaurée par la France et l'Union européenne en matière de politique de retour des migrants arméniens dans leur pays. En janvier 2017 a été inauguré, à l'ambassade de France à Erevan, un nouveau dispositif européen : le programme pour la réintégration des migrants arméniens, piloté par la représentation en Arménie de l'OFII – l'Office français de l'immigration et de l'intégration – et financé par le Centre international pour le développement des politiques migratoires. L'OFII disposant d'une expertise reconnue dans le domaine de l'accompagnement au retour et de la réinsertion des migrants, il a été choisi pour développer en particulier le volet consacré à la réinsertion et aux mesures spécifiques d'accompagnement en faveur des migrants arméniens provenant des États membres de l'Union européenne et qui sont appelés à revenir dans leur pays d'origine dans le cadre de retours volontaires ou contraints. Ce programme, doté de 500 millions d'euros, vise à réunir les conditions d'une réintégration durable et réussie des migrants en leur apportant un soutien multidimensionnel, qu'il s'agisse de formations professionnelles, de soins médicaux ou de financement d'aides au démarrage de microprojets.
Le groupe La République en marche soutient donc le projet de loi autorisant l'approbation du protocole, pour les raisons que je vais résumer. D'une part, il permettra la mise en oeuvre effective de l'accord de 2013 entre l'Union européenne et l'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, alors que la France, je le répète, est depuis plusieurs années une des destinations privilégiées de l'immigration irrégulière en provenance d'Arménie et que l'Arménie poursuit ses efforts en vue d'améliorer la réadmission de ses ressortissants. D'autre part, le protocole s'inscrit dans le contexte d'un approfondissement des relations entre l'Union européenne et l'Arménie, dans le cadre du Partenariat oriental, notamment, comme l'a indiqué Mme la présidente de la commission, dans la perspective d'une libéralisation du régime des visas.