Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du jeudi 16 janvier 2020 à 9h00
Coopération en matière de défense avec l'albanie et chypre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Nous examinons deux accords de défense avec l'Albanie et Chypre. Je commencerai par soulever quelques points relatifs au texte consacré à l'Albanie.

S'il convient d'abord de rappeler que ces accords bilatéraux de défense ont leur utilité, il faut néanmoins souligner qu'ils ne doivent pas servir de contrepartie ou de compensation – même si le présent accord, datant de 2017, est antérieur à la prise de position française d'octobre dernier bloquant l'ouverture des négociations en vue de l'adhésion à l'Union européenne de l'Albanie. Alors que la Commission européenne s'était prononcée en mai 2019 pour l'ouverture de négociations avec l'Albanie et la Macédoine du Nord, les espoirs de ces pays ont été mis à mal par la position française qui, j'espère, va évoluer.

Par ailleurs, ces accords de défense doivent s'inscrire dans une politique de coopération plus large, notamment sur les plans énergétique et économique. Il convient de garder à l'esprit l'influence de la Russie et la relation de dépendance à son égard qui pourrait s'établir si nous ne maintenions pas l'espoir d'intégration de ces pays des Balkans dans l'Union européenne. Vous connaissez mon avis à ce sujet. Pour ce qui est de l'accord avec l'Albanie, il faut souligner, comme l'a fait le rapporteur, le rôle positif que joue ce pays francophone et francophile dans l'amélioration des relations au sein des Balkans et avec l'ensemble de ses voisins. Le président albanais a d'ailleurs indiqué récemment, lors de sa dernière visite en France, que « l'Albanie [était] déterminée et [voulait] être un vecteur de stabilité et de collaboration dans les Balkans. »

Cette vision s'inscrit dans un contexte d'apaisement interne, en dépit d'une situation sécuritaire toujours complexe, liée notamment à la criminalité organisée et à la radicalisation. La question du trafic d'armes issues des anciens stocks yougoslaves est également centrale.

Cet accord de défense constitue donc un premier pas et aura un effet bénéfique pour les pays concernés. Comme le soulignent les rapporteurs, la coopération internationale contribue à l'amélioration des formations au sein de certains pays. Le développement d'une coopération militaire dans cette région doit permettre de rappeler que notre pays est attaché à des relations apaisées et d'entraide de long terme avec la très grande majorité des États.

Cette coopération sera néanmoins très différente de celle avec Chypre pour des raisons structurelles et conjoncturelles. Comme plusieurs orateurs l'ont rappelé, l'Albanie ne dispose que d'une petite armée, dotée d'équipements vieillissants, à laquelle elle ne consacre que 1,1 % de son produit intérieur brut – PIB – , très loin du taux de 2 % fixé par l'OTAN.

Il est cependant essentiel de souligner que les coopérations bilatérales s'établissent aussi dans un cadre plus large, celui de relations renforcées au sein de l'OTAN. L'accord dont nous discutons vise notamment à rénover le cadre des relations entre nos deux pays, du fait de l'adhésion de l'Albanie à l'OTAN en 2009 et de son rapprochement avec l'Union européenne. Au moment où des questions ont été soulevées quant au rôle de l'OTAN, il est essentiel de rappeler que cette organisation permet, malgré tout, une coopération bénéfique pour des interventions communes, mais également pour le développement des armées au sein de pays moins avancés dans ce domaine. Nous pouvons ainsi mutuellement apprendre de nos expériences.

Cependant, je souhaite apporter une précision : s'il est essentiel que l'Albanie respecte ses engagements vis-à-vis de l'OTAN, notamment quant à la modernisation de ses équipements pour une meilleure interopérabilité, il faut aussi apprécier l'effort de ce pays à l'aune des ressources de ses armées et ne pas adopter une position trop abrupte. Le risque serait de le décourager alors qu'il a démontré sa bonne volonté.

L'accord de défense avec Chypre, quant à lui, relève d'une autre situation. Bien entendu, toute analyse de nos relations avec ce partenaire européen doit prendre en considération la question fondamentale de la partition de l'île et de l'influence de la Turquie. Il faut donc souligner le volontarisme des autorités chypriotes pour renforcer la politique de sécurité et de défense commune et leur implication dans le développement des coopérations européennes en matière de défense. Cet État membre ne peut s'appuyer que sur ses collaborations bilatérales et sur l'Union européenne, car il ne peut rejoindre l'OTAN.

De plus, comme le démontre le rapport, Chypre est un partenaire stratégique pour la France. Il lui permet d'opérer dans la région, en particulier au Moyen-Orient, et de faciliter l'évacuation des ressortissants français, notamment en cas de crise au Liban. Notre relation est donc forte. Rappelons que les soldats français de retour d'Afghanistan faisaient escale à Chypre et qu'en 2006 les Français du Liban avaient été évacués vers cette île.

Sur le fond, ces deux accords bilatéraux ne posent pas de problème puisqu'ils visent à renforcer notre coopération dans un cadre relativement habituel. Ils sont importants, notamment en ce qu'ils adaptent nos relations aux évolutions d'alliances plus larges. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc pour ce projet de loi.

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