Je ne reviendrai pas sur le texte précédemment examiné. J'aurais néanmoins pu apporter quelques précisions relatives à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord – OTAN – et souligner que nous ne cherchons pas à démanteler une quelconque alliance mais au contraire à relancer un partenariat stratégique en nous interrogeant sur les priorités de cette organisation. Je comprends que le règlement de l'Assemblée a quelque peu évolué depuis que j'ai quitté ses bancs. J'en prends acte et respecterai pleinement, monsieur le président, les usages de cette maison.
Venons-en donc à la ratification du protocole additionnel à la charte européenne de l'autonomie locale, consacrant le droit pour toute personne de participer aux affaires d'une collectivité locale.
Cette participation est le fondement même de la démocratie locale : elle permet de renforcer la légitimité des décisions prises au niveau local, de mieux prendre en compte les demandes des citoyens et d'associer les populations à la prise de décision. Comme l'a relevé M. le rapporteur, ce protocole complète logiquement la charte européenne de l'autonomie locale et la renforce en lui assurant un ancrage démocratique.
Le préambule de la charte reconnaît que le droit des citoyens à participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l'Europe. Cependant, la charte ne comporte aucune disposition de fond sur ce sujet et il est apparu nécessaire de la compléter sur ce point. C'est pourquoi les ministres des États membres du Conseil de l'Europe ont décidé, en 2005, d'« étudier l'opportunité et la faisabilité d'une norme juridique de type conventionnel sur la participation des citoyens aux niveaux local et régional ».
Le Conseil de l'Europe est une institution essentielle pour protéger les citoyens et garantir leurs droits fondamentaux. Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Europe – j'ai eu la chance de présider le comité des ministres pendant six mois, de mai à novembre 2019 – , nous avons rappelé combien les soixante-dix ans d'histoire de cette institution ont marqué l'Europe, la protection des droits, et ont ancré nos valeurs au coeur du continent, valeurs partagées par quarante-sept États qui poursuivent les mêmes objectifs. J'en profite pour remercier les parlementaires français pour leur investissement au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que les élus locaux qui contribuent, au sein du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, au renforcement de la démocratie locale et régionale dans les quarante-sept États membres.
Le protocole additionnel consacre un droit individuel de participer aux affaires d'une collectivité locale, c'est-à-dire le droit pour chacun de s'efforcer de déterminer ou d'influencer l'exercice des compétences de la collectivité. La principale nouveauté du texte est de garantir le droit, pour les citoyens de l'État, de participer, en qualité d'électeurs ou de candidats, à l'élection des membres du conseil ou de l'assemblée de la collectivité locale dans laquelle ils résident. Alors que des élections municipales se tiendront dans quelques semaines en France, une telle garantie ne se retrouve dans aucun autre texte international. Le protocole additionnel engage également les États à prendre les mesures nécessaires pour assurer l'exercice de ce droit, en particulier en établissant des procédures de consultation et en garantissant l'accès aux documents publics, car nul ne peut statuer sur des faits ou des données dont il n'aurait pas connaissance.
Le protocole additionnel est bien sûr compatible avec les normes constitutionnelles et législatives françaises, qui garantissent déjà ce droit, y compris avec les restrictions du droit de vote établies par notre droit. Les outils qui existent déjà en France pour favoriser la participation aux affaires des collectivités locales, comme le droit de pétition, le référendum local ou encore les conseils de quartier, permettent une application effective du protocole sans qu'il soit nécessaire d'apporter de modifications ni à la Constitution, ni à la législation. En outre, aucun autre traité ou accord ratifié par la France n'est susceptible d'entrer en conflit avec ces dispositions, dans la mesure où le droit fondamental à participer à la vie locale ne figurait dans aucun traité international.
La charte européenne de l'autonomie locale aujourd'hui complétée réaffirme donc le rôle des collectivités et de ce que nous appelons ici communément « nos territoires » comme premier niveau où s'exerce la démocratie.
À titre personnel, vous le savez, je suis pleinement convaincue que l'Europe ne se fait pas sans les territoires. En effet, l'action européenne ne part pas de Bruxelles et ne s'applique pas sans que quiconque s'en rende compte ou le demande ; elle offre des possibilités, des outils, et c'est parce que des acteurs locaux veulent les utiliser que l'action européenne se déploie.
C'est en ce sens que j'ai engagé, dès ma prise de fonction, un grand « tour de France de l'Europe du concret ». Du Douaisis à la Seine-Saint-Denis, j'ai vu comment les collectivités locales et l'Europe concourent à servir les citoyens, autour d'objectifs essentiels tels que la formation des jeunes, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion dans les territoires. À Thionville et au Pic-Saint-Loup, j'ai été à la rencontre des élus et des habitants de territoires ruraux, qui ont su, de manière exemplaire, mettre les outils européens au service de leurs projets et donc de leurs concitoyens.
La ratification par la France de ce protocole rappelle donc l'attachement de notre pays à la démocratie locale et notre engagement à la promouvoir en Europe et dans le monde. Voilà donc un texte conforme à nos valeurs, à nos principes, à ce que nous appelons « l'Europe de la démocratie ». Il est au coeur des attentes des citoyens français qui pourront ainsi comprendre que l'Europe est à leur côté et que c'est parce qu'ils ont des élus locaux, sur le terrain, que cette Europe devient réalité.