Texte très innovant pour l'époque, la charte européenne de l'autonomie locale, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe, a mis de nombreuses années à être ratifiée par certains pays, dont le nôtre. Ouverte à la signature des États membres du Conseil de l'Europe le 15 octobre 1985, la charte est entrée en vigueur le 1er septembre 1988 et a été ratifiée depuis par les 47 États membres – elle ne l'a été par la France que le 17 janvier 2007. La charte a été ensuite complétée, en 2009, par un protocole additionnel entré en vigueur le 1er juin 2012, ratifié à ce jour par 18 États membres. C'est de ce dernier texte que nous sommes saisis aujourd'hui.
Revenons tout d'abord sur l'application de la charte dans notre pays.
C'est du fait de la contradiction entre les principes de la charte et le caractère unitaire de notre État, ainsi que ses modalités de décentralisation, que la France a mis plus de vingt ans à la ratifier. En effet, la charte prône non seulement la décentralisation, mais également l'autonomie locale. Le Conseil d'État avait donc émis en 1991 plusieurs réserves portant sur le pouvoir de gestion des affaires locales, sur le principe de responsabilité politique de l'exécutif local et sur le principe de subsidiarité. Concernant ce dernier, la charte précise que « l'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens ». Elle est également le premier texte international à faire application de ce principe et à stipuler qu'un transfert de compétence doit s'accompagner d'un transfert de moyens financiers correspondants. Les obstacles soulevés par le Conseil d'État ont fini par être levés par la réforme constitutionnelle de 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.
Si l'effet de la charte sur le droit français a été relativement limité du fait de l'entrée en vigueur, en 1982, des lois de décentralisation, certains principes novateurs, dont celui de subsidiarité, n'ont en revanche été intégrés à la Constitution que lors de cette réforme de 2003. Cependant, la France n'est toujours pas exempte de tout reproche : le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe a récemment noté que quelques marges d'amélioration étaient possibles concernant notre système de péréquation financière ainsi que la répartition des compétences entre les différents niveaux d'autorité locales, de manière à éviter tout chevauchement.
Venons-en au protocole additionnel à la charte sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales. Il est l'aboutissement de plus de vingt ans de travail intergouvernemental. Parmi ses points importants figurent le droit à la participation à la vie publique au niveau local, le droit des citoyens à l'information de la part des collectivités territoriales et le devoir desdites collectivités de permettre l'exercice de ces droits. Si la charte mentionnait le droit de participation dans son préambule, elle ne contenait pas de dispositions de fond à ce sujet, à la différence du protocole additionnel.
Précisons que nos principaux outils de démocratie locale ont été créés par la réforme constitutionnelle de 2003, de sorte que les effets de l'application du protocole en droit interne sont relativement neutres. Notre droit inclut ainsi un droit de pétition réservé aux électeurs de chaque collectivité territoriale, ainsi qu'un droit de référendum local dont le résultat a valeur de décision si au moins la moitié des électeurs a pris part au scrutin. La loi nationale prévoit aussi la création de conseils de quartier dans les communes, sans parler des conseils de bourg dans les villages, cités par André Chassaigne.
Le protocole mentionne en outre la possibilité de recourir à d'autres outils ; on peut citer celui, non prévu par la loi, des budgets participatifs, lesquels visent à impliquer les citoyens dans la décision touchant l'emploi d'une partie du budget de leur collectivité.
Tous ces dispositions vont dans le bon sens et sont pleinement compatibles avec notre droit interne. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc en faveur du texte.