Intervention de Fabien Lainé

Réunion du mercredi 8 janvier 2020 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Lainé, co-rapporteur :

Ce tableau général ayant été brossé, il est temps d'en venir aux constats que nous avons établis au cours de nos travaux. De manière générale, nous estimons que la politique de logement et d'hébergement du ministère est mal définie et, qu'en l'état, sa mise en oeuvre est susceptible de pénaliser tant les personnels que l'institution militaire elle-même.

D'abord, le parc en lui-même est à l'origine de nombreux questionnements.

Premièrement, il semble inadapté tant à la carte militaire qu'aux attentes des personnels. On constate ainsi l'existence d'une dichotomie entre l'offre et la demande, qui se traduit par un taux moyen de réalisation de demandes de logement de seulement 56 % en 2017.

Ceci résulte soit d'une offre inexistante, soit d'une offre inadéquate motivant un refus en raison d'une localisation inadaptée ou de l'état du logement proposé.

Les logements vieillissants dont l'entretien a été négligé constituent même de véritables repoussoirs pour les familles habituées à un confort estimé normal de nos jours, d'autant que la notion de mauvaise qualité ne se limite pas à un défaut d'entretien. Elle s'étend aux modes de vie actuels et à des exigences de confort telles que le choix d'une maison plutôt que d'un appartement, en particulier en province, un jardin, une terrasse, des sanitaires en nombre suffisant, une cuisine ouverte, et ainsi de suite.

Dans ce contexte, l'insécurité, réelle ou supposée, est un facteur émergent désormais clairement exprimé sur le terrain. Nous l'avons entendu de nombreuses fois au cours des auditions. Cette question est particulièrement criante au moment d'un déploiement en opération : le militaire sur le départ souhaite être assuré que sa famille sera en sécurité.

Si, en matière d'hébergement, le problème de la localisation ne se pose guère sur la plus grande partie du territoire, il en est autrement en Île-de-France. À titre d'exemple, il nous a été indiqué que des militaires travaillant à Vincennes sont hébergés à Saint-Germain-en-Laye, soit à l'exact opposé de l'agglomération parisienne, même si la ligne 1 du métro fonctionne normalement ces temps-ci…

De même, les évolutions sociologiques semblent avoir tardivement été prises en compte. Deux points apparaissent notamment problématiques. D'une part, l'évolution des structures familiales, avec une hausse du nombre de familles éclatées ou recomposées, à l'instar du reste de la population française ; d'autre part, l'accroissement du taux d'emploi du conjoint, à hauteur de 85 %, et, ce faisant, du nombre de célibataires géographiques, en raison du choix de nombreux couples de préserver l'emploi du conjoint et la stabilité de la famille lors des mutations.

Deuxièmement, la gestion du parc social réservé ne paraît pas satisfaisante.

En dépit d'une présélection effectuée par les bureaux du logement, il arrive que les commissions d'attribution des bailleurs refusent les dossiers présentés, et ce bien qu'il s'agisse d'un logement réservé. En outre, le ministère des Armées n'est pas le seul réservataire de logements sociaux, et se trouve en concurrence avec d'autres réservataires, ce qui est d'autant plus problématique que le calendrier d'attribution par les bailleurs entre en conflit avec le calendrier des mutations militaires. Enfin, il semblerait que nombre de bailleurs ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités militaires.

Troisièmement, le parc est aussi dégradé.

Il est d'abord vétuste ! Un audit réalisé en 2017 a ainsi relevé que 63 % des logements domaniaux avaient plus de soixante ans, tandis que les deux-tiers des hébergements avaient dépassé leur « mi-vie ».

Mais encore, l'âge des bâtiments ne serait pas un problème s'ils étaient correctement entretenus ! Or, qu'il s'agisse des logements domaniaux ou des hébergements, le défaut d'entretien est patent : 20 % du parc d'hébergement présente des dégradations apparentes, nombreuses ou généralisées, certains locaux frisant l'insalubrité.

En conséquence, il arrive que des bâtiments soient entièrement condamnés, comme c'est le cas, par exemple, sur la base aérienne 123 d'Orléans-Bricy.

Il est plus difficile d'évaluer l'entretien courant des logements conventionnés ainsi que du parc domanial géré par CDC Habitat. Les retours des locataires sont contrastés, certains se disant satisfaits et d'autres mécontents, voire très mécontents, soulignant notamment un manque de réactivité les amenant à procéder ou à faire procéder eux-mêmes aux réparations nécessaires.

Le défaut d'entretien et de mise à niveau des logements porte également sur la performance énergétique des bâtiments domaniaux, 35 % des logements défense utiles, ceux qui sont actuellement occupés, se situant en classes F et G, contre 22 % à l'échelle nationale.

Cette situation est le résultat d'années de sous-investissement, alors que les infrastructures ont souvent été sacrifiées au profit de la mission et du renouvellement capacitaire. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : de 2006 à 2016, le budget consacré à l'entretien du parc immobilier – écoutez bien ce chiffre – est passé de six à deux euros au mètre carré !

Quatrièmement, le coût du parc est relativement élevé : coûts de possession, coûts de réservation, coûts de construction… À titre d'exemple, la réservation d'un logement par convention est estimée à environ 60 000 euros dans une zone tendue telle que la région parisienne. Au total, le ministère s'acquitte ainsi de droits de réservation d'un montant annuel d'environ 15 millions d'euros.

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