Au final, la situation semble problématique tant pour les personnels que pour l'institution. Au cours de nos déplacements, nombre de militaires nous ont confié avoir le sentiment de s'épuiser pour rien, face à des processus difficilement lisibles. Même les critères d'éligibilité et de priorité – sur lesquels nous pourrons revenir – semblent méconnus. Ce constat est d'ailleurs partagé par les états-majors, qui conduisent régulièrement des enquêtes de terrain pour évaluer le moral des personnels. Pour adresser leur dossier, les personnels doivent joindre des dizaines de pièces, en version papier le plus souvent. Il en résulte un sentiment de frustration, d'autant plus important que les interlocuteurs sont peu accessibles, surtout en Île-de-France. D'aucuns évoquent ainsi une déshumanisation, d'autant plus problématique que la recherche d'un logement nécessiterait un accompagnement de proximité et, surtout, un accompagnement personnalisé.
Ce sentiment de frustration, alimenté par des décisions parfois incomprises de cession de patrimoine – îlot Saint-Germain à Paris, par exemple – peut aussi nourrir une forme de ressentiment à l'égard des personnels les moins mobiles, qui empêcheraient la rotation des logements. Fort logiquement, de telles tensions sont particulièrement vives dans les zones tendues, essentiellement en région parisienne, où le logement constitue une source d'angoisse particulièrement vive.
Il y a là un enjeu d'importance pour les armées alors que, comme nous le savons tous ici, « il n'y a pas de militaire heureux sans famille heureuse ». Dès lors qu'il est question de logement, il convient de prendre en compte la famille entière, et pas uniquement le ou les militaires. Rien que pour l'armée de terre, cela correspond à 58 000 conjoints et 121 000 enfants. Dans ce contexte, le « toit » constitue bien la première brique de la fidélisation.