Cette nouvelle lecture est l'occasion de poursuivre un travail approfondi de co-construction mené depuis deux ans pour lutter contre les contenus haineux sur internet. S'appuyant sur les conclusions d'un excellent rapport remis au Premier ministre par notre collègue Laetitia Avia avec MM. Karim Amellal et Gil Taieb, cette proposition de loi a été enrichie, tout au long de la première lecture, par nos échanges, en commission comme dans l'hémicycle, et par l'adoption de 141 amendements de tous les groupes. La proposition a été adoptée par 434 voix, venues de tous les bancs de l'Assemblée. Cela prouve qu'elle apportait des réponses unanimement approuvées.
Nos collègues du Sénat ont tenté de faire progresser ce texte, en y apportant leur contribution, par exemple en clarifiant et en renforçant les sanctions financières applicables en cas d'infraction, ou encore en imposant une obligation de transparence aux vendeurs d'espaces publicitaires vis-à-vis des annonceurs, et de ceux-ci envers le grand public. Ces efforts sont à saluer. Ils ont aussi placé l'Observatoire de la haine en ligne sous la tutelle du CSA, ce qui est judicieux, et reconnu la nécessité de renforcer la prévention contre la haine en ligne auprès des plus jeunes, en milieu scolaire.
Cependant, comme l'a indiqué la rapporteure, ils ont privé la proposition de loi du coeur de son dispositif, en supprimant le délit de non-retrait de contenus haineux dans les vingt-quatre heures. C'est pourtant la mesure phare, celle qu'attendent les victimes de messages haineux et les associations qui les défendent.
De notre côté, en CMP, nous avons fait beaucoup de propositions qui auraient pu aboutir à un équilibre, en envisageant plus de flexibilité dans l'activation du dispositif ou en supprimant la possibilité d'infliger une peine de prison. Mais le Sénat a refusé tout compromis. Il faut le dire franchement, c'est un rendez-vous manqué. En refusant toute ouverture, le Sénat a fait prévaloir la vision politicienne d'un combat qui mérite pourtant que nous unissions nos forces, au-delà des clivages partisans, comme nous l'avions fait l'année dernière à l'Assemblée nationale.
Le Sénat a fait le choix de déresponsabiliser les grandes plateformes au détriment des victimes de la haine en ligne, qui, pendant ce temps, doivent continuer à se taire et à se cacher. Le Sénat a fait le choix de l'inaction et de l'impuissance envers ceux qui insultent et qui harcèlent, choix qui libère la parole raciste, sexiste, LGBTphobe ou antisémite. Mais, de façon incohérente, les sénateurs étaient prêts à faire supprimer automatiquement les comptes signalés pour contenu haineux. Nous ne pouvons pas accepter une telle mesure liberticide.
C'est pourquoi les députés du groupe La République en Marche seront mobilisés pour soutenir les amendements qui remettront la protection des victimes – par la création de ce délit – au coeur de ce texte. Ils contribueront, par leurs amendements, à la renforcer, par exemple en supprimant le critère d'utilité publique exigé pour les associations de protection de l'enfance ou en incitant les opérateurs à mieux lutter contre la viralité des messages illicites.
Nous sommes convaincus que nous saurons parvenir ensemble, de façon consensuelle, à un texte équilibré, utile et efficace pour lutter contre la cyberhaine.