En première lecture, je m'étais abstenu, me disant que le Sénat arriverait à corriger certaines des lacunes du texte et à amener la majorité de l'Assemblée nationale à une rédaction consensuelle en CMP. Or je constate à regret que votre majorité n'a pas su se rapprocher des propositions sénatoriales.
Je serai probablement conduit à voter contre la proposition de loi dans l'hémicycle, la semaine prochaine, en raison d'une difficulté liée à l'article 1er. En matière d'expression, pardon pour cette banalité, la liberté doit être la règle et les restrictions l'exception. Cela valait à la fin du XIXe siècle, lorsqu'a été votée la loi de 1881 sur la presse ; cela doit rester de mise aujourd'hui, à l'ère d'internet, même si les supports, les modalités, les rythmes de l'expression des opinions ont évidemment beaucoup changé. Si je m'en tiens à ce principe, l'article 1er, issu de l'Assemblée nationale ne convient pas. Je comprends ce que vous avez voulu faire, madame la rapporteure, et je ne mets absolument pas en cause la pureté de vos intentions. Je vois bien que vous essayez d'améliorer le dispositif de 2004 en le rendant plus opérationnel, et ne prétends pas que vous seriez animée par une volonté de censure effrénée. Toutefois, je crains que vous ne déléguiez une capacité de censure aux algorithmes – car il n'y a pas de M. Facebook ni de M. Twitter –, sous un délai strict de vingt-quatre heures, en créant, de surcroît, une sorte de délit de non-retrait, qui va contraindre encore davantage le mécanisme. Au total, comme le disait, d'une certaine façon, Mme de La Raudière – avec qui, pour une fois, je suis d'accord –, il existe un risque de surblocage.
Tout cela, au fond, n'est pas de bonne législation. Je le dis à regret, car j'aurais aimé – c'était le sens de mon abstention en première lecture – pouvoir me rallier, in fine, à un texte. À moins que, par miracle, vous ne vous rapprochiez de la version sénatoriale dans les jours qui viennent, l'article 1er ne me semble pas pouvoir être voté, si on reste fidèle au principe de la liberté d'expression et à la nécessité de la restreindre de manière extrêmement limitée.