Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du mardi 14 janvier 2020 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Je suis choquée par le fait qu'on présente l'interopérabilité comme une solution. Offrir la possibilité à des personnes qui ont été insultées sur une plateforme d'accéder à une autre plateforme, c'est comme dire à un enfant battu dans la cour de l'école que l'on va le faire sortir par la porte de derrière. C'est très choquant. On devrait protéger les victimes au lieu de les autoriser à fuir !

Par ailleurs, on nous dit que le juge doit conserver ses compétences actuelles. J'ai engagé plusieurs procédures judiciaires sur le fondement de la loi de 1881. C'est une très belle loi, mais il faut reconnaître qu'elle est truffée de chausse-trappes, car son propos originel était de protéger les journalistes. Aujourd'hui, ce ne sont pas les journalistes qui sont en cause, mais M. Tout-le-monde qui expose ses opinions sur la toile. Ce n'est pas la première fois que la justice a affaire à ce genre de situations. En présence d'un contentieux de masse, elle n'arrive plus à faire face. Quand j'étais jeune, les affaires de chèques sans provision se plaidaient pendant des après-midi entiers dans les tribunaux. Devant la masse de contentieux, on a décidé, pour les dégonfler, que les banques devaient couvrir les petits chèques. De la même manière, des générations de policiers et de juges ont été accaparées par les infractions de stationnement. Celles-ci ont atteint un tel volume que, désormais, c'est une société privée qui remet le forfait de post-stationnement. Au-delà d'un certain nombre d'infractions, il faut trouver des solutions administratives. Dans la proposition de loi, la solution administrative consiste à éliminer les propos contestables ; la justice peut ensuite intervenir pour dire ce qui est raciste et ne l'est pas, ce qui peut être dit ou non. On élimine ainsi de nombreux contenus qui auraient engorgé la justice. Confier cette tâche au juge reviendrait à accepter qu'il n'y ait plus de réelle police sur les propos tenus.

Même si le texte peut présenter des aspects boiteux, il constitue une tentative pour endiguer le flot de propos racistes. Le problème ne tient pas seulement aux propos eux-mêmes. De fait, à force de défiler sur internet, les positions racistes, homophobes ou haineuses finissent par gagner les esprits. Aujourd'hui, les gens pensent en toute bonne foi certaines choses qu'on n'aurait jamais acceptées il y a quinze ou vingt ans. Il me paraît donc urgent d'agir pour lutter contre ce déferlement de haine.

On me parle de censure, mais je vois à longueur de temps, sur tous les médias, des gens tenir des propos que je trouve personnellement choquants et qui ne reçoivent aucune réponse. Notre société ne connaît absolument pas une sur-censure des propos haineux ou homophobes. Peut-être le texte n'est-il pas totalement satisfaisant, mais au moins pourra-t-on dire qu'on a essayé de faire quelque chose face à un phénomène extrêmement dangereux pour la démocratie.

Chapitre Ier Simplification des dispositifs de notification

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