C'est au terme d'un patient travail de coconstruction que nous nous retrouvons pour débattre, en nouvelle lecture, de la proposition de loi de notre collègue Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Chaque étape de ce texte, en commission comme dans l'hémicycle, à l'Assemblée comme au Sénat, fut l'occasion de poser de nouveaux jalons pour renforcer la protection des victimes de messages haineux sur internet. S'il y a bien une preuve que nous avons su travailler ensemble en bonne intelligence, ce sont les 434 voix, venues de tous les groupes de notre assemblée, qui ont approuvé la proposition de loi en première lecture, en juillet dernier.
Pourtant la suite du parcours ne fut pas un long fleuve tranquille : le Sénat a en effet décidé de supprimer le délit de non-retrait des contenus manifestement illicites. En privant le texte de sa mesure essentielle, nos collègues sénateurs ont fait le choix de donner la priorité à l'expression de messages haineux plutôt qu'à celle des victimes. Malgré notre esprit d'ouverture, aucun compromis n'a pu être trouvé en commission mixte paritaire. Nous avons donc pris nos responsabilités et rétabli cet article primordial en commission.
Mais si protéger les victimes est un impératif, nous avons également veillé à garantir la liberté d'expression, à laquelle nous sommes bien entendu très attachés : c'est tout l'objet du rôle du juge, que nous avons réaffirmée en commission à l'article 1er. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle forme de censure, déléguée aux réseaux sociaux, car notre boussole reste l'État de droit. C'est d'ailleurs de façon unanime que nous avons supprimé, en commission, l'obligation faite aux plateformes, introduite par le Sénat, de repérer et de supprimer les faux comptes sur simple notification.
En revanche, nous avons su entendre les préoccupations du Sénat en supprimant la peine d'emprisonnement et en reconnaissant la bonne foi des acteurs quand le caractère intentionnel n'est pas caractérisé. En effet, le but n'est pas de sanctionner pour sanctionner, mais bien d'inciter tous les acteurs à faire d'internet un espace de respect et d'échange apaisé.
Cette loi, de nombreuses associations qui luttent contre les discriminations et le harcèlement l'espèrent et la réclament depuis des années. Nous avons noué avec elles un dialogue nourri et constructif. Elles ont fait des critiques, exprimé des doutes, que nous avons entendus – par exemple en renforçant la lutte contre le caractère viral des contenus haineux. Toutes ces associations et toutes les victimes qu'elles accompagnent nous rejoignent aujourd'hui sur l'essentiel : nous ne pouvons pas rester inactifs, et, avec ce texte, nous allons dans le bon sens.
De leur côté, plusieurs plateformes ont salué l'équilibre auquel nous sommes parvenus. Elles le savent : Mme la rapporteure a toujours travaillé avec elles, jamais contre elles. Chacun a fait l'effort d'écouter l'autre, d'entendre ses attentes et de comprendre ses contraintes. Finalement, tous les acteurs se retrouvent dans l'ambition de mettre en oeuvre une nouvelle forme de régulation dans l'univers d'internet, sous le regard vigilant du CSA.