Aujourd'hui, en France, on empêche la venue d'une philosophe, Mme Agacinski, dans une université ; on perturbe la conférence d'un ancien président de la République, M. Hollande ; on dénonce un philosophe, M. Finkielkraut, pour une plaisanterie sur un plateau télé ; et je ne parle pas de la censure par le directeur de Sciences Po Lille de la conférence d'un directeur d'hebdomadaire. En clair, on constate aujourd'hui en France, pays de la liberté, la propagation d'une censure dans bien des pans de la société.
Si cette censure reste douce – on n'emprisonne pas les gens – , elle est souvent exercée par des minorités agissantes sans légitimité. Et c'est dans ce contexte que vous, la majorité En marche, avec le soutien du Gouvernement, vous ne trouvez rien de mieux à faire que de légiférer pour restreindre un peu plus la liberté d'expression et, plus grave encore, de confier le contrôle de cette liberté fondamentale non plus à la justice, mais à des opérateurs privés – je vais y revenir.
Or la liberté d'expression est une valeur à défendre chaque jour. Notre histoire et notre passé, y compris récent, nous obligent. Il y a cinq ans, en France, huit membres de la rédaction d'un journal satirique sont morts pour avoir usé de la liberté d'expression. Je dis bien user et non abuser car la justice a considéré que « les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont pas été dépassées » par ces fameuses caricatures. À l'époque, vous étiez Charlie, nous étions Charlie, la France était Charlie ; pourtant, nul doute que beaucoup de ses dessins de tomberaient sous le coup de votre vague définition d'un contenu haineux, d'autant que vous voyez la haine partout, y compris dans le cri de détresse des gilets jaunes, qualifiés de « foule haineuse » par le Président de la République.
Il ne s'agit nullement de défendre les menaces, diffamations ou injures sur internet – discours dont je suis, au moins autant que vous, très largement victime, …