… non seulement à l'occasion de l'examen du projet de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite loi anti-casseurs, dont l'article 3 a été censuré par le Conseil constitutionnel parce qu'une fois de plus, vous entendiez faire passer l'autorité administrative avant le juge, mais aussi parce que je n'ai pas voté en faveur du présent texte en première lecture. Enfin, je ne propose pas de supprimer l'article 1er mais de le réécrire. Lorsqu'on invoque la cohérence, encore faut-il être exemplaire.
Vous affirmez respecter un équilibre – la ligne de crête – entre la liberté d'expression et la sécurité publique. Que vous en ayez l'intention, soit, mais le problème tient au fait que vous excluez tout autre chemin. La fameuse zone grise, par exemple, me semble donner lieu à un véritable déni intellectuel et psychologique. Je vous crois sincères lorsque vous dites ne pas viser la zone grise mais celle-ci, par essence, ne saurait être « visée » ou non puisqu'elle présente un problème d'interprétation. Or vous confiez ce pouvoir d'interprétation – qui devrait revenir au juge – à des plateformes privées, d'où la privatisation de la décision de retrait.
Outre la privatisation de l'interprétation, il existe un risque de censure. Pourquoi ? Parce que vous associez l'obligation de résultat figurant à l'article 1er avec la sanction du retrait excessif. Il va de soi qu'ainsi pris en étau on court un risque de censure car le retrait excessif n'est pas du tout sanctionné de la même manière.
En tout état de cause, ce dispositif n'est pas efficace et portera atteinte soit à la liberté d'expression, soit à la sécurité des personnes. Nous proposons quant à nous de réécrire l'article de manière plus claire et plus cohérente en rétablissant peu ou prou la rédaction adoptée par le Sénat tout en maintenant le rappel à la compétence du juge.