De toute évidence, nous sommes tous d'accord sur la définition de la maladie. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur les remèdes à y apporter. Nous voulons tous limiter l'exposition des internautes aux contenus haineux. J'en veux pour preuve que nous limitons l'effet des mesures prévues par le texte aux contenus publiés sur les plateformes les plus importantes.
Or ce qui provoque l'exposition à un contenu donné n'est pas sa simple publication. Un contenu publié sur Twitter ou Facebook n'a pas en lui-même plus d'audience qu'un propos haineux publié sur un site n'ayant que quelques centaines de visiteurs. Le véritable danger, nous en sommes d'accord, c'est la viralité des contenus. Les outils viraux, en offrant des possibilités de partage du contenu et d'interaction, en diffusant celui-ci au-delà de l'auditoire naturel de son auteur, créent la surmultiplication de l'exposition.
Le vrai problème que nous voulons traiter, en fin de compte, c'est sa diffusion à grande échelle. Chacun sait pertinemment qu'un contenu peut faire trois fois le tour de la Terre en vingt-quatre heures, et infecter les mobiles des élèves d'un lycée en une heure à peine. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez vous-même rappelé tout à l'heure les 1,5 million de vues, en vingt-quatre heures, de la tuerie de Christchurch, ajoutant qu'il était nécessaire de proposer une solution alternative.
Dès lors, je me permets de vous proposer un mécanisme simple, respectueux de la liberté d'expression à laquelle nous sommes tous attachés. Un contenu signalé par un utilisateur identifiable devra être examiné sous vingt-quatre heures ; en attendant son examen, la plateforme devra désactiver les mécanismes permettant de le rendre viral. Si elle estime le contenu contraire à la loi, elle alerte le juge, qui prend éventuellement une décision de suppression. Si elle le juge licite, elle informe l'auteur du signalement de sa possibilité de saisir le juge, et l'auteur du contenu de son droit de poursuivre en justice l'auteur du signalement abusif.
Certains objecteront qu'une telle disposition risque d'empêcher un tweet licite d'être diffusé immédiatement à grande échelle. Je réponds par la question suivante : croyez-vous vraiment, alors même qu'on sait la peine encourue pour signalement abusif, que de nombreux internautes cliqueront sur le bouton « signaler » sans raison valable ?
Quant à l'amendement du Gouvernement que nous venons d'adopter, il démontre bien que, dès lors qu'on laisse un contenu se propager pendant vingt-quatre heures, le mal est fait. Grâce à son adoption, nous avons raccourci les délais d'intervention pour les contenus terroristes et pédopornographiques. Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande si une injure raciste ou homophobe ne mérite pas également que l'on restreigne rapidement sa diffusion.