J'ai un attachement profond, personnel et familial, avec l'Italie et j'en parle toujours avec beaucoup d'émotion.
Je voudrais faire écho à ce qu'a dit Michel Herbillon tout à l'heure sur la relation franco-italienne. Elle est structurée de façon ambivalente, depuis Cavour et l'unité italienne, pour lesquels la France a fait beaucoup, puisque nous avons livré les batailles de Magenta et de Solferino pour l'unité italienne. Cavour n'en était pas moins profondément agacé par la condescendance française. Il disait : « Il y a des moments où je préfère l'autoritarisme autrichien à la condescendance française. »
Les Italiens ont pour obsession de ne pas être relégué au second rang. Cette obsession a conduit Crispi à mener une opération désastreuse en Éthiopie, au début du XXe siècle, cela a été l'une des motivations fondamentales de Mussolini dans son aventure éthiopienne, cela a été l'un des thèmes très présents de Berlusconi et c'est évidemment un thème central chez Salvini.
La France n'accepte pas que l'Italie soit au même rang qu'elle.
En parallèle, les sentiments profrançais de l'Italie sont très forts. Ils sont corrélés à la gauche et à l'antifascisme. Nous avons été la nation refuge de l'antifascisme. La formidable éclosion cinématographique et intellectuelle des grands romanciers italiens des années 1950 et 1960 puise dans ce terreau. Ils parlaient tous français, aimaient la culture française et étaient proches de nous.
Il faut donc partir de cette ambivalence.
Sur le plan européen, en France, nous avons toujours sous-estimé le rôle de l'Italie. Nous avons certes lancé l'Union européenne avec la déclaration Schuman et le traité de Paris instituant la CECA, mais après avoir proposé la Communauté européenne de défense (CED), nous l'avons torpillée, ce que je comprends d'ailleurs, car je pense que c'était un mauvais traité. Mais ce sont les Italiens, et le tandem BelgiqueItalie (SpaakMartino), à Palerme, qui ont relancé l'Europe et ce n'est pas pour rien que le traité fondateur du marché commun a été signé à Rome.
De même, dans les années 1980, nous pataugions entre Allemands et Français et c'est l'initiative italienne de deux personnages, d'ailleurs assez contestables, Giulio Andreotti et Bettino Craxi, qui a relancé au Conseil européen de Milan le marché intérieur.
La contribution des Italiens à la construction européenne est donc extrêmement importante, mais nous n'en avons pas du tout une conscience suffisante en France.
Je voulais le dire parce que je crois que c'est quelque chose d'important.
Ma deuxième remarque touche à l'organisation intérieure. Matteo Salvini a fait une erreur de manoeuvre évidente, en lançant une crise. Il a complètement sous-estimé la capacité des autres, notamment de Matteo Renzi, qui a joué un rôle important dans cette affaire, et de Sergio Mattarella, à former une alliance entre les démocrates – maintenant Italia Viva et Cinque Stelle.
Cela dit, ne nous trompons pas, la situation est terrible. Le premier groupe parlementaire, Cinque Stelle, est totalement en perdition. Luigi Di Maio n'a pas beaucoup d'autorité internationale, il y a un vide énorme. Berlusconi et Forza Italia sont tout à fait sur le déclin. Il ne reste que des vestiges de la démocratie chrétienne, mais il reste l'Église, certes divisée, mais qui joue un rôle essentiel d'opposition à Matteo Salvini sur la question migratoire.
La gauche est donc séparée entre les démocrates et Italia Viva et s'y ajoute maintenant ce mouvement des Sardines qui est très intéressant, mais dont on ne sait pas du tout s'il a une portée réelle. Nous verrons ce qu'il se passera à Bologne le 26 janvier, si Stefano Bonaccini l'emporte sur Lucia Borgonzoni, avec l'appui des Sardines. L'enjeu d'Émilie-Romagne est un enjeu central. Nous sommes dans une incertitude complète et cela nous conduit là aussi à être à la fois très généreux, très attentifs aux Italiens et extrêmement circonspects.
Je voulais faire une dernière remarque sur la situation italienne économique très difficile. Elle n'est pas de même nature que la situation française. Quand nous avons des problèmes de gestion de nos appareils financiers et que nous ne savons pas faire des économies budgétaires, les Italiens ont un problème d'adaptation structurelle de leur économie, beaucoup plus profond. Cela fait quinze ou vingt ans qu'ils sont dans une situation extrêmement difficile.
Nous devons, à mon avis, approfondir avec eux les relations de relance d'une politique de l'Union économique et monétaire qui prenne véritablement en compte les intérêts d'économies du Sud qui sont à réformer, à réadapter et qui ne peuvent pas l'être dans un système qui ne soit pas fondé sur la solidarité.