Intervention de Alain David

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 9h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

L'enjeu environnemental, le climat et la biodiversité : la question est évidemment immense. Je concentrerai mon propos sur deux points : l'un panoramique, sur l'engagement des Nations unies en matière de lutte pour le climat, l'autre plus spécifique, sur la préservation des zones maritimes, pour laquelle nous avons eu une réunion de travail avec le département spécialisé du Secrétariat général.

Le premier point constitue l'une des priorités d'António Guterres : « Pour le climat, il faut garantir ce que les analyses scientifiques ont révélé. Il faut atteindre l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à 1,5 degré Celsius d'ici la fin du siècle, ce qui implique de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45 % d'ici à 2030, et de parvenir à la neutralité carbone d'ici 2050. C'est la priorité absolue. Nous sommes en train de perdre cette bataille. L'opinion publique, le secteur privé sont plus engagés que les gouvernements. Les lobbys sont en train de gagner. »

Il y a une note d'espoir. Les opinions publiques sont de plus en plus mobilisées. Les peuples sont plus raisonnables que les gouvernements. L'urgence reste depuis notre mission à New York. Les experts du programme des Nations unies pour l'environnement en novembre dernier ont rappelé qu'à moins que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne diminuent de 7,6 % par an entre 2020 et 2030, le monde ratera l'occasion d'atteindre l'objectif de l'accord de Paris. La COP 26 à Glasgow devra déterminer l'orientation future des efforts à fournir pour éviter les crises et doit voir les pays soumettre de nouveaux plans climatiques, conformément à l'accord de Paris.

Deuxième sujet : la protection des espaces maritimes parmi les enjeux majeurs liés au changement climatique. Comme l'a relevé le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport, il y a l'impact sur les pêches, l'impact sur la navigation, l'impact sur le niveau des mers. La convention des Nations unies sur le droit de la mer de Montego Bay fournit depuis 1994 le cadre juridique de toutes les activités menées dans les océans et sert de base à la coopération internationale. Elle fixe les droits et obligations des États dans les différentes zones maritimes, eaux intérieures, mers territoriales, eaux archipélagiques, zones économiques exclusives, plateaux continentaux.

Parmi les discussions en cours, il y a le projet Biodiversity Beyond National Jurisdiction (BBNJ), entamé dès 2006. Des menaces croissantes pèsent sur les écosystèmes marins, d'où la nécessité de combler les lacunes du cadre juridique international existant pour assurer une meilleure gouvernance de la haute mer. Il s'agit de concilier le régime de la haute mer avec ses libertés et le régime du patrimoine commun de l'humanité sous la forme d'un plateau continental étendu, avec ce que cela comporte en termes d'obligation pour la préservation de la protection de l'environnement. Il s'agit, dans le sillage de la convention de 1982 et de l'accord sur les pêches de 1995, de développer un nouveau traité contraignant.

L'Assemblée générale a convoqué quatre conférences intergouvernementales entre 2018 et 2020 pour élaborer un nouvel accord pour la conservation de la biodiversité au-delà des juridictions nationales. Ces conférences se réunissent sous la présidence de Singapour, qui a su maintenir tout le monde à la table des négociations, y compris les États les plus sceptiques comme la Russie, l'Islande, le Japon ou la Corée. Les trois premières conférences se sont déjà tenues. La dernière doit se tenir du 23 mars au 3 avril 2020. Les États demeurent divisés sur bon nombre de volets.

Sur les ressources génétiques marines, il y a deux divergences majeures. La première porte sur leur statut : la majorité des États en développement souhaiterait leur conférer le statut de patrimoine commun de l'humanité, ce à quoi les États développés s'opposent puisqu'il impliquerait notamment des restrictions d'accès aux ressources biologiques de la haute mer et une gestion commune de ces ressources. La deuxième divergence porte sur le partage des avantages qui découlent de leur exploitation et que les États en développement souhaiteraient monétaires.

Sur les évaluations d'impact environnemental, les délégations demeurent divisées quant à l'entité qui devra prendre la décision d'autoriser l'activité après que l'évaluation d'impact environnemental a été menée. Alors que les États développés considèrent que l'autorisation revient à l'État, les États en développement souhaitent que cette décision soit adoptée par la conférence des parties de l'instrument BBNJ.

Sur les outils de gestion par zone, en particulier les aires marines protégées, le mandat prévoit que l'accord d'application ne devra pas affecter les instruments et les mandats des organisations régionales et sectorielles existantes. Pour les États les plus sceptiques, seules les organisations régionales ou sectorielles devraient pouvoir établir des outils de gestion par zone, limitant par là le pouvoir décisionnel du futur BBNJ.

Sur le renforcement des capacités et le transfert des techniques marines, les délégations s'accordent sur le principe de la création d'un centre d'échange d'informations, mais la plupart d'entre elles souhaitent progresser sur les parties opérationnelles du futur accord avant d'en préciser les fonctions. Les enjeux sont considérables. Les divergences sont réelles. Il faudra donc suivre avec attention les résultats de la dernière conférence.

Ce n'est pas sans lien avec le changement climatique, je voudrais dire un mot sur la question des Rohingyas. Frédéric Petit et moi-même sommes allés récemment au Bangladesh dans le cadre de notre mission d'information sur les conflits et les changements climatiques. Nous avons saisi cette occasion pour aller voir les réfugiés Rohingyas. À New York, j'ai eu l'occasion d'évoquer cette question et j'ai notamment remis à António Guterres une lettre d'Amnesty International France attirant son attention sur une situation qu'il connaît bien et dénonce avec fermeté. J'ai pu aussi en parler très directement au représentant permanent de la Chine à l'ONU, qui m'a assuré sa volonté de résoudre cette question dans les meilleures conditions possible. Dont acte.

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