Je demande pardon aux enfants d'adresser mon propos à des grandes personnes. J'ai une sérieuse excuse : ces grandes personnes siègent dans un endroit qui fabrique la loi. J'ai une autre excuse : parmi ces grandes personnes, beaucoup ont dit oui quand je leur ai parlé de cette résolution. J'ai une troisième excuse : ces grandes personnes sont happées dans un tourbillon qui très souvent les déconnecte de l'essentiel. Pourtant, chacune d'entre elles est intimement convaincue de votre importance.
Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier cette proposition de résolution aux enfants que ces grandes personnes ont été un jour, car nous avons tous été des enfants, même si nous l'oublions parfois.
Il y a déjà trente ans, la France signait la convention internationale des droits de l'enfant – CIDE – après son adoption par l'Assemblée générale des Nations unies. Cette convention fixe l'intérêt supérieur de l'enfant comme boussole de nos politiques publiques et consacre des droits de nature civile, politique, économique et sociale.
L'un de ces droits est au fondement de notre république : l'éducation est un droit fondamental et universel qui favorise l'épanouissement de chaque enfant et lui donne les clés de son émancipation. Sans garantie d'une éducation de qualité pour tous, il est vain de croire que les autres droits de l'enfant puissent être respectés. De même, veiller au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant dès sa naissance, a fortiori pendant les 1 000 premiers jours de sa vie, est crucial pour son développement personnel et pour l'avenir de notre société.
La CIDE reconnaît aussi le droit pour chaque enfant de vivre dans un environnement sain, d'être nourri à sa faim, d'avoir un logement et d'accéder à des soins adaptés. Pourtant, en France, la précarité a souvent le visage d'un enfant : ils sont trois millions à vivre sous le seuil de pauvreté. Cette injustice sociale est aussi culturelle et éducative. Elle entraîne ces enfants dans un cercle vicieux, dont beaucoup ne sortiront pas à l'âge adulte.
Une attention constante et soutenue au respect des droits de l'enfant constitue donc un levier puissant pour atteindre les dix-sept objectifs de développement durable de l'Agenda 2030.
Chaque enfant a le droit de donner librement son opinion sur toute question qui l'intéresse et la prise en compte de sa parole n'est pas un fait acquis. Pour preuve, il y a à peine une semaine, à une heure de grande écoute à la télévision, le président d'un foyer pour enfants, confronté à de nombreux cas d'agressions sexuelles dans son établissement, répondait sans sourciller : « Vous y croyez aux témoignages d'enfants, vous ? ». Au-delà de l'enfance en danger, cette résolution s'adresse à tous les enfants et veut leur envoyer un signal fort : « Votre parole compte ! »
Il nous appartient à nous, parlementaires, de mener un travail de réflexion sur la participation de la jeunesse à l'élaboration des politiques publiques. Aujourd'hui, nous légiférons en effet sans prendre systématiquement en considération l'avis de près de 25 % de la population, contrairement au Conseil de l'Europe ou à certaines instances internationales.
Des structures existent, sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Je pense plus particulièrement au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, aux comités consultatifs des jeunes, aux jeunes ambassadeurs des droits auprès des enfants ainsi qu'à tous les acteurs du secteur associatif. Il est temps de leur donner une place de premier choix dans le processus de décision, à l'image des conseils municipaux des jeunes.
Tandis que la jeunesse nous interpelle en faveur du climat, nous ne pouvons nier l'évidence. Comment raisonnablement préparer un futur souhaitable sans y associer ceux qui l'incarnent ?
Aujourd'hui, le mot « enfant » ne figure dans aucune des missions des commissions de notre assemblée. Cela se traduit par une prise en compte encore trop rare et peu coordonnée des droits de l'enfant.
À l'appui de ce texte, j'invite chaque député à adopter la convention internationale des droits de l'enfant comme grille de lecture lors de l'examen de la proposition de la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, puis du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, ou encore du futur projet de loi consacré à l'aide au développement et à la solidarité internationale. Beaucoup de lois ont été examinées puis adoptées sans que nous ayons véritablement évalué leur impact sur les enfants.
Dans cette proposition de résolution, je vous propose d'organiser annuellement un débat sur les politiques publiques de l'enfance, et que soient menés, sous l'impulsion de la conférence des présidents et des bureaux des commissions permanentes, toutes missions et tous travaux parlementaires nécessaires à la préservation des droits de l'enfant.
Le 31/01/2020 à 14:35, Laïc1 a dit :
"De même, veiller au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant dès sa naissance, "
Et l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est de ne pas être séparé brutalement de la mère qui lui a donné naissance, et ce aussi bien en France qu'à l'étranger.
Le 31/01/2020 à 14:31, Laïc1 a dit :
"Chaque enfant a le droit de donner librement son opinion sur toute question qui l'intéresse"
On remplace le mot enfant par celui de citoyen et la problématique de la fausse démocratie dans laquelle on vit est posée. En effet on ne demande jamais aux citoyens ce qu'ils pensent des problèmes qu'ils vivent, dans notre fausse démocratie on pense pour les citoyens, on ne leur demande pas de penser ni de s'exprimer, on leur demande de subir en permanence. Comme un grand enfant finalement.
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