Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 15h00
Prise en compte des droits de l'enfant à l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Les chiffres sont accablants : 3 millions d'enfants sous le seuil de pauvreté ; un tiers qui ne partent pas en vacances ; 600 000 mal logés ; 100 000 non scolarisés ; 30 000 vivant à la rue ; un enfant tué dans le cadre intrafamilial tous les cinq jours, un violé toutes les heures.

Cette proposition de résolution vient certes nous rappeler combien il est important d'oeuvrer pour les droits des enfants. Nous sommes d'ailleurs signataires d'une convention internationale, signée l'année de ma naissance, qui semble revêtir une importance capitale, notamment dans cette période. Dans son rapport de 2019, le Défenseur des droits nous explique que la violence « peut être engendrée par la carence d'une institution publique qui ne répond pas aux besoins de l'enfant, ne respecte pas ses droits ou ne fait pas de son intérêt supérieur une considération primordiale » car il y a les lois que nous votons et il y a leur application. En 2019, l'Aide sociale à l'enfance précise que le Conseil national de la protection de l'enfance est insuffisamment doté, qu'il y a trop peu de moyens et de très grandes disparités entre les départements, qu'il s'agisse de l'aide sociale en tant que telle ou de la prévention spécialisée. On voit bien qu'il ne suffit pas de voter des lois ni des résolutions pour qu'elles s'appliquent dans le monde réel alors que c'est ce qui nous importe à toutes et tous.

Lors de cette législature, nous avons maintenu la possibilité de retenir des enfants en centre de rétention administrative. Nous sommes au-dessous de tout en matière de prise en charge des mineurs non accompagnés – les associations ou les mineurs que j'ai rencontrés lors de mes déplacements dans le Calaisis me l'ont confirmé – , sans même parler des dossiers plus complexes qui concernent les enfants de nos ressortissants dits djihadistes, que nous ne prenons pas en charge, au mépris de la convention internationale des droits de l'enfant.

Il y a eu aussi les débats sur la présomption simple d'absence de consentement des mineurs de moins de treize ans. Ce sujet revenant sous les feux de l'actualité, le Gouvernement, tout à coup frappé d'un éclair de lucidité, se dit qu'il aurait peut-être mieux valu faire voter les nombreux amendements que nous avons déposés sur ce sujet plutôt que de les écarter. Nous verrons bien. Pour l'instant votre politique s'est traduite par 400 000 pauvres supplémentaires, parmi lesquels des parents et des enfants évidemment.

Je ne résiste pas à l'envie de vous parler de la réforme à venir de l'ordonnance du 2 février 1945, qui vise à instaurer un code de la justice pénale des mineurs, alors même que nous avons des juges des enfants – et non de la justice pénale des enfants – qui traitent à la fois la matière pénale et la matière civile, le tout afin d'assurer la primauté de l'éducatif sur le répressif, acquis fondamental de l'ordonnance de 1945 mais aussi de celle du 23 décembre 1958, les deux textes constituant les deux pieds qui nous permettent d'avancer correctement. Pourquoi ne pas établir un code des enfants ? Pourquoi traiter les deux matières de manière distincte, contrairement à ce que recommandent le Défenseur des droits, les associations, les juristes spécialisés en la matière ? Nous avions là une opportunité puisque personne n'est opposé à une codification qui nous permettrait d'avoir quelque chose de plus lisible. Comment fait-on pour traiter à la fois la question du civil et celle du pénal, pour concilier la primauté de l'éducatif et la répression de l'enfance délinquante ?

Le constat est accablant en effet : nous sommes – avec la Grande-Bretagne, peut-être – le pays d'Europe qui enferme le plus ses enfants, que ce soit en centre éducatif fermé ou en établissement pénitentiaire pour mineurs, alors que la délinquance des mineurs n'y est pas plus importante qu'ailleurs. Nous n'avons d'ailleurs jamais eu aussi peu de mineurs délinquants au cours de notre histoire.

Cette résolution suffira-t-elle ? À cet instant, je ne sais pas ce que sera le vote de mon groupe. J'attends de connaître la position du secrétaire d'État sur ce sujet car si c'est pour se retrouver à devoir acter à l'avenir de nouveaux reculs en matière de droits des enfants, ce sera sans nous !

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