Intervention de Agnès Thill

Séance en hémicycle du mercredi 29 janvier 2020 à 15h00
Protection des victimes de violences conjugales — Article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Thill :

Ce sujet pose effectivement problème. L'article 8 de la proposition de loi relative aux violences conjugales vise à ajouter une dérogation supplémentaire au secret médical. J'y émets de sérieuses réserves. Le secret médical est un droit fondamental des patients, au coeur du soin. Il fonde la confiance entre le patient et le professionnel de santé. La levée du secret est et doit rester strictement encadrée et limitée. La relation entre patient et soignant doit être équilibrée et fondée sur la confiance. Le professionnel de santé ne doit pas décider pour le patient, en sachant omniscient, mais éclairer le consentement du patient. Garantir le secret médical est essentiel pour maintenir le lien de confiance indispensable, afin que les femmes puissent continuer à se confier aux soignants mais aussi à consulter les professionnels de santé.

Lever le secret médical en cas de violences conjugales sans accord de la patiente, c'est rompre le lien de confiance, c'est ne pas respecter son choix, c'est prendre le risque du silence de la femme. Une telle mesure contribue aussi à la perte d'estime de soi et d'autonomie de la femme, ce qui est précisément l'objectif de l'homme violent.

De plus, la proposition de loi rend le cadre législatif encore moins intelligible. La disposition envisagée autorise le professionnel à lever le secret médical pour saisir le procureur lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : le danger imminent et l'emprise. Or, ces deux notions étant imprécises, le soignant devra distinguer péril et danger, ce qui semble très difficile en pratique. La confusion entre péril et danger pourrait engager la responsabilité pénale du professionnel de santé en cas de mauvaise interprétation, ce qui pourrait conduire à limiter le nombre de signalements par les soignants.

Enfin, le glissement sémantique du contenu du signalement est déconcertant. En effet, la notion de présomption disparaît et le professionnel de santé qualifie juridiquement des constatations en violences conjugales, avec le renvoi à l'article 132-80 du code pénal.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.