Que pourrait-on ajouter dans la corbeille avec nos amis britanniques ? Nous avons déjà une coopération forte dans le domaine cyber sur le plan opérationnel. Nous devons apporter des projets et nous y travaillons. Mon principal souci est d'opérationnaliser le Combined joint expeditionary force. Avec le général Carter, je souhaite, dès que l'occasion m'en sera donnée, lancer quelque chose qui, sans être une brigade ou un régiment, puisse être mis sous le signe des accords de Lancaster House, pour opérer un premier déploiement opérationnel réel. C'est la réponse que le chef militaire opérationnel que je suis peut vous donner. Ce souci est partagé avec le général Carter.
Vous avez évoqué l'idée d'y adjoindre les Allemands. J'ai relancé les rencontres de CEMA en format E3 depuis que j'ai pris mes fonctions. Je ne peux vous dire ni plus ni moins que ce que j'ai répondu tout à l'heure à M. Marilossian. Nous travaillons à rapprocher les visions stratégiques. C'est beaucoup plus facile avec les Britanniques avec lesquels nous avons une vision partagée, en dehors de l'OTAN, je le répète, mais nous essayons de rapprocher les Allemands de cette vision.
Une enceinte particulière, la Counter violent extremist organization (CVEO), réunit le coeur de la coalition. Nous nous retrouvons à treize chefs d'état-major d'armée : américain, canadien, australien, italien, allemand, britannique, danois, norvégien, etc. Nous nous rencontrons à l'occasion d'une réunion environ tous les trois mois, précédée par des réunions d'états-majors.. Dans ce cadre nous mettons de plus en plus l'accent sur la capacité de cette alliance ,iniatlement très centrée sur le Levant, à s'investir au Sahel et en Afrique. Je porte de plus en plus ce projet et nous allons continuer à le porter. En particulier, et je l'évoquais tout à l'heure avec M. Marilossian, nous allons essayer, d'approfondir notre partenariat et de notre coopération militaire avec tous les pays d'Afrique de l'Ouest, et de mieux coordonner les efforts, . Ce n'est pas simple, mais avec de la persévérance et de l'humilité, on y arrive !
Monsieur Gassilloud, vous m'interrogez sur les réserves opérationnelles. Sur un objectif de 40 000 hommes, aujourd'hui l'objectif de 38 000 est atteint. Comme vous l'indiquiez, 4 000 sont sur le terrain, dont 1 000 sur le territoire national, ce qui est beaucoup. Aujourd'hui, les armées ne sauraient fonctionner sans la réserve. Vous avez raison de demander si, en prévision d'une montée en puissance brutale et rapide, il ne faudrait pas prévoir un système de réserve plus opérationnel et plus robuste. Le système actuel donne satisfaction. Il permet à l'armée de temps de crise de faire face à des pics d'activité et à des engagements sur le territoire national très consommateurs. Je répondais tout à l'heure à M. Pueyo que les réservistes contribuent pour beaucoup à répondre à notre souci de ménager non seulement l'entraînement et la préparation opérationnelle mais aussi la vie personnelle. Si on devait envisager une montée en puissance, il faudrait réfléchir au rappel de la réserve opérationnelle 2 et non la réserve opérationnelle 1. Vous ne pouvez pas considérer que tous ces soldats professionnels qui ont de cinq à quatorze ou quinze ans de service dans les armées, voire davantage, et qui sont dans la vie active, ne seraient pas capables d'être au moins aussi rapidement une force opérationnelle que pouvaient l'être les contingents d'appelés à l'époque de la conscription. Je ne voudrais pas que les réflexions en cours à ce sujet depuis quelques années aboutissent à remettre en question l'efficacité de la réserve opérationnelle que nous avons mise sur pied et qui fonctionne de mieux en mieux. Aujourd'hui, nous cherchons à prévoir éventuellement des taux de rotation différents, notamment sur le territoire national, afin, plus encore, de les employer, car il est difficile pour un réserviste de s'extraire de son travail.
Madame Dubois, vous m'avez demandé si la force conjointe G5 était une porte de sortie. Je pense ne l'avoir jamais dit. Il s'agit d'un complément de notre action et d'une nécessité pour répondre à l'aspect transfrontalier du conflit, mis à profit par les groupes terroristes. De ce fait, nous avons imaginé un processus nouveau et original consistant à demander aux cinq pays de créer une force destinée à agir spécifiquement sur ces zones frontalières, avec un droit de poursuite de bataillons d'un pays dans l'autre. Cette force est complémentaire de l'opération Barkhane, de ce que font les armées nationales, l'ONU et l'Union européenne. Je n'imagine donc pas la force conjointe G5 constituer brutalement, et même à moyen ou long terme, pour les Européens ou l'ONU, la porte de sortie du Sahel. Elle est un complément indispensable et doit être de plus en plus opérationnelle. C'est une partie de la réponse à cette crise, mais une partie seulement, de même que notre action militaire n'est qu'une partie de réponse à cette crise globale de développement, de gouvernance, c'est-à-dire une crise politique au sens large.
Monsieur Trompille m'a interrogé sur le commandement de l'espace, du budget et du champ opérationnel. Les effectifs montent en puissance : il récupère en 2019 43 personnels du commandement interarmées de l'espace; 136 au centre militaire d'observation par satellites (CMOS) et 36 au centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) pour arriver au format global de 217 personnels en 2020. Globalement, ce commandement s'occupe de tout ce qui concerne l'espace. Il s'agit d'un commandement organique à vocation interarmées placé sous l'autorité du chef d'état-major de l'armée de l'Air mais qui, pour son emploi, est placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées. Ce commandement gère, commande et manoeuvre nos objets militaires dans l'espace. Il passe par un partenariat accru avec le Centre national d'études spatiales (CNES) et par le développement de capacités militaires de manoeuvre des objets spatiaux dans l'espace. Ce commandement assure aussi la surveillance de l'espace. La manoeuvre s'effectue généralement sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées, puisqu'il s'agit d'activités opérationnelles. Pour le reste, comme les autres armées, chacune dans leur champ de compétence, ce commandement travaillera sur la doctrine, la recherche capacitaire et l'évolution du système.
Il est trop tôt pour dresser un bilan de la verticalisation des contrats en termes de disponibilité technique opérationnelle (DTO). Ce qui prend du temps, c'est la négociation que mènent Mme Legrand-Larroche et ses équipes avec les industriels pour obtenir une verticalisation efficace, pour trouver la bonne place au service industriel de l'aéronautique (SIAé) sur le plan du soutien industriel et opérationnel et la bonne place de l'armée de l'air. Elle-même évolue beaucoup, contribuant ainsi à l'évolution de son niveau de soutien opérationnel dont le général Lavigne a dû vous parler, ce qui, de ce simple fait, participe à l'amélioration de la DTO. Il est un peu tôt pour dire ce qu'il en est, mais il n'est pas trop tôt pour dire où l'on en est. Les MCO des Fennec de l'armée de Terre, du Tigre, de l'A400M et des Rafale, en dehors du moteur, ont fait l'objet d'un contrat. Nous verrons ce que cela va donner. Je suis empli d'espoir. Mais nous n'avons pas le choix. Je persiste à dire qu'Ambition 2030 est une belle ambition qui nécessite un effort national important, mais que se passera -t-il d'ici 2030 et dans quelle situation serons-nous ? Nous avons aujourd'hui une armée et nous aurons en 2030 une armée en bon état, opérationnelle, mais capable de faire face aux crises actuelles, et l'on voit bien que ces crises vont s'amplifiant.
Il existe plusieurs façons de répondre à ce défi. La première est l'augmentation de la disponibilité des équipements : si les frégates étaient plus disponibles qu'elles ne le sont aujourd'hui, nous aurions plus de frégates à engager. Aujourd'hui, je compte les frégates pour faire face aux contraintes opérationnelles, à la fois dans le golfe Persique où notre présence est permanente, pour la sécurité du détroit de Bab El-Mandeb et dans le canal de Syrie pour surveiller Idlib et faire respecter les lignes fixées par le Président de la République en cas d'emploi d'armes chimiques. J'ai besoin de ces frégates pour défendre notre bastion et permettre à nos sous-marins nucléaires de se diluer dans l'océan, dans le golfe de Gascogne. J'ai besoin de ces frégates pour surveiller la sortie des sous-marins russes de leur propre bastion, dans l'Atlantique Nord. Vous le voyez, je suis à la limite de mes possibilités. Si j'augmente ma disponibilité technique opérationnelle, je me donne de la marge. Si je fais ce qu'a décidé la Ministre sur notre recommandation et à la demande du chef d'état-major de la Marine, je dote certains bâtiments de doubles équipages, afin de bénéficier au mieux de l'effet d'augmentation de la disponibilité de ces équipements et, là encore, je me redonne de la marge. Mais cela a une limite.
Une autre solution consiste à partager le fardeau, donc d'inciter nos partenaires européens à intervenir davantage avec nous. Nous avons évoqué quelques exemples. Nous essayons de le faire et nous continuerons d'essayer de le faire. Se posera ensuite la question globale du format, pas seulement le nôtre mais celui des Européens. Or j'observe que l'effort que nous faisons, nous Français, est important, puisqu'il atteindra 2 % du PIB en 2025, et que celui de nos partenaires européens est globalement insuffisant. Dans un monde qui se réarme, l'écart se creuse entre l'effort insuffisant des Européens et l'effort des compétiteurs auxquels nous risquons d'être confrontés demain.