Créée il y a plus de vingt ans, la Fondation du patrimoine a pour mission de contribuer à la préservation et à la réhabilitation du patrimoine de notre pays, en particulier dans les territoires ruraux, dont je suis un représentant. Elle est déjà intervenue dans plus de 30 000 projets. En Ariège, par exemple, la Fondation a participé à la restauration de l'église de Laroque-d'Olmes, du clocher de Lescure ou encore à la réalisation du Domaine des Oiseaux à Mazères, pour n'en citer que quelques-uns.
Dans certaines villes de mon département, comme à Foix ou à Pamiers, certains immeubles sont laissés à l'abandon depuis des décennies, faute de moyens pour faire les travaux nécessaires ; le coût estimé de la rénovation, lorsqu'elle est encore possible, atteint aujourd'hui des niveaux insupportables. Il s'agit là d'un vrai problème pour de nombreux élus locaux, qui se retrouvent démunis pour enrayer ce phénomène de dégradation du patrimoine.
L'ambition de la proposition de loi à l'étude aujourd'hui est d'améliorer l'efficacité des actions de sauvegarde du patrimoine culturel local et de revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes confiés à la Fondation du patrimoine. Sur le principe, nous y sommes bien entendu favorables mais le fonctionnement actuel de la Fondation du patrimoine et les mesures proposées par Mme Vérien et ses collègues sénateurs ne nous satisfont guère.
Tout d'abord, nous considérons que le principe même de la défiscalisation de l'impôt sur le revenu, à hauteur de 50 à 100 % du montant des travaux réalisés par les propriétaires, est contestable. L'extension de cet outil incitatif aux propriétaires d'immeubles habitables situés dans des communes de moins de 20 000 habitants implique un élargissement considérable de l'assiette des propriétaires qui pourront en bénéficier. Voilà encore une mesure à destination des plus fortunés qui nous semble malvenue dans le contexte actuel, puisqu'elle permettrait aux propriétaires de belles demeures de réaliser leurs travaux aux frais des contribuables.
Dans un autre registre, les propositions de ce texte en matière de gouvernance du conseil d'administration de la Fondation nous scandalisent véritablement : en supprimant la limite d'un tiers des voix pouvant appartenir à l'un des représentants d'entreprises privées, et en la remplaçant par la notion de majorité, cette proposition de loi ne fera qu'accentuer la mainmise d'entreprises telles que L'Oréal, Sodexo ou Allianz sur l'administration d'une fondation dite d'utilité publique. Nous souhaiterions au contraire que les représentants d'entreprises privées soient minoritaires au sein du conseil d'administration et nous ferons une proposition dans ce sens par voie d'amendement.
Enfin, sous couvert de diversification du type de dons réalisables par les entreprises, le texte pourrait ouvrir de nouvelles possibilités d'optimisation fiscale par le biais du mécénat d'entreprise. Or nous pensons que les sommes échappant aujourd'hui à l'impôt constituent déjà une véritable gabegie financière. En effet, à en croire les chiffres publiés, en juin dernier, par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales, environ 36 milliards d'euros sont délocalisés chaque année par des entreprises françaises dans des filiales à l'étranger, soit 1,6 % du PIB. Cela représenterait une perte de 14 milliards d'euros pour l'État. Nous serons donc extrêmement vigilants sur cette question lors de l'examen de l'article 4.
Au risque de froisser certaines susceptibilités, chers collègues, je vous ferai remarquer que le groupe La France insoumise développe une tout autre vision de ce que devrait être la politique de sauvegarde et de restauration du patrimoine de notre pays. Nous pensons qu'il serait nécessaire de créer un organisme entièrement public, doté de fonds d'investissement majoritairement publics et d'un modèle de gouvernance permettant une large représentativité de toutes les franges de la société civile. Les montants considérables consentis en défiscalisation, s'ils revenaient sous forme d'impôts à l'État, permettraient de réaliser les investissements nécessaires là où cela est le plus utile, selon des critères définis de manière transparente et démocratique, et non pas au bon vouloir de l'expertocratie actuelle ou d'intérêts privés dissimulés derrière le masque de l'altruisme. Voilà pourquoi le groupe La France insoumise votera contre ce texte.