La mise en valeur du patrimoine rural est un point prégnant de notre niche parlementaire : après avoir étudié une première proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine, nous en venons à une seconde visant à définir et à protéger le patrimoine sensoriel de campagnes françaises.
Si ce sujet peut paraître anecdotique de prime abord, il s'agit en réalité d'un texte aux enjeux profonds. De plus en plus de recours sont en effet intentés contre des propriétaires d'animaux, responsables de ce que leurs auteurs qualifient de nuisances sonores, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage.
L'ampleur médiatique dont a bénéficié le traitement de ces affaires, de plus en plus nombreuses, a produit une caisse de résonance à l'indignation de nos compatriotes. Telle l'affaire du coq Maurice qui a vu un couple de vacanciers intenter un recours contre la propriétaire dudit volatile car celui-ci avait la mauvaise idée… de chanter à l'aube. Ces plaignants ont considéré le chant de ce coq comme une nuisance sonore constitutive d'un trouble anormal du voisinage. Ce gallinacé est ainsi devenu l'emblème d'une ruralité menacée et a bénéficié d'un écho médiatique tonitruant : un article à son propos a même été publié dans l'édition du New York Times du 23 juin 2019 !
Nous pourrions multiplier les exemples retraçant des situations similaires, moins médiatisées mais tout aussi incompréhensibles : le caquetage des canards, les cloches d'une église de village ou le mugissement des vaches dans les prés.
La préservation de ce patrimoine dit sensoriel devient une nécessité pour la sauvegarde du caractère rural de nos campagnes car celles-ci ne sauraient se résumer à un lieu de villégiature propice aux citadins. Les bruits et effluves propres à la ruralité ne peuvent être assimilés à des nuisances puisqu'ils en constituent l'essence même.
Nous saluons votre travail, monsieur le rapporteur, car il nous permet, d'une part, de rappeler notre attachement à la ruralité et, d'autre part, de préserver et de valoriser ce que sont nos campagnes.
L'intérêt de votre saisine du Conseil d'État, grâce au concours du Président de l'Assemblée nationale, est à souligner, d'autant que vous avez pris en considération toutes les remarques qu'il a formulées afin d'enrichir ce texte. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, seules trente et une propositions de loi ont bénéficié de cette procédure : c'est très peu, alors même que l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi ont été élevées au rang d'objectifs à valeur constitutionnelle par une décision du Conseil constitutionnel du 6 décembre 1999.
Concernant l'article 1er, la consécration du patrimoine sensoriel dans notre droit positif nous paraît être une nécessité afin de protéger un patrimoine de plus en plus menacé. Sa valorisation par l'enrichissement des missions des services régionaux de l'Inventaire général du patrimoine culturel va dans le bon sens. Même dépourvu de portée normative, il permettrait d'identifier le patrimoine sensoriel propre à chaque région. Le juge pourrait également s'en saisir à l'appui de jugements similaires à ceux que nous venons d'évoquer.
Enfin, nous partageons votre volonté, monsieur le rapporteur, de codifier la notion prétorienne de troubles anormaux du voisinage et d'en fixer les critères – notamment environnementaux – d'appréciation. En inscrivant ces principes dégagés par la jurisprudence dans la loi, nous nous assurerons de la préservation de l'essence même de nos campagnes.
Le Groupe UDI, Agir et Indépendants se prononcera pour cette proposition de loi qui est un très beau message envoyé à nos campagnes.