Si l'on peut réduire les besoins de financement de l'État par une politique budgétaire vertueuse, je ne m'en plaindrai pas.
Vous m'avez interrogé, monsieur Carrez, sur la génération de primes à l'émission, en particulier sur leur ampleur et sur le fait que cela permet de réduire comptablement, ou en tout cas optiquement, l'augmentation de la dette. Vous avez raison au sens où les primes à l'émission que nous recyclons pour de bonnes raisons, c'est-à-dire pour diminuer le risque de refinancement de l'État en réduisant l'endettement de court terme et en émettant moins de dettes à moyen et long termes, ont eu un effet sur le plan comptable en permettant à la dette nominale d'augmenter plus faiblement que le déficit budgétaire affiché au cours des dernières années. Je peux néanmoins vous assurer que je n'ai jamais reçu la moindre instruction d'un ministre ou d'un directeur d'administration centrale me demandant de choisir des titres permettant de générer des primes à l'émission importantes afin de l'aider à piloter la trajectoire de la dette par rapport au PIB. Je n'ai jamais rien entendu de tel, y compris sous la forme de remarques incidentes. Nous avons toujours été fidèles à notre politique d'émission : servir la demande là où elle se manifeste, dans les points de courbe où elle existe. Le graphique retraçant la valeur moyenne des titres émis que je vous ai présenté tout à l'heure montre que nous n'avons jamais usé de tels biais ni reçu d'instructions de ce genre.
Nous avons atteint tous nos objectifs en ce qui concerne l'OAT verte, madame El Haïry. Nous avons présenté un premier rapport d'évaluation ; nous avons également mis en place un conseil d'évaluation de l'OAT verte, un conseil international composé d'experts indépendants de la finance verte et de l'évaluation des politiques environnementales, ce qui nous permettra de bénéficier d'un regard extérieur. J'espère aussi que cela pourra réconcilier les Français avec la dépense publique – son évaluation y concourt, en tout cas – et peut-être aider à recalibrer certaines politiques publiques à la lumière des travaux réalisés.
D'autres États ont suivi l'exemple de la France : la Belgique, en 2018, puis l'Irlande et les Pays-Bas. Cette année, il a été annoncé que l'Espagne, la Suède et l'Allemagne émettraient également des titres obligataires souverains verts. Comme pour les titres indexés sur l'inflation et ceux à cinquante ans, l'AFT a ouvert la voie. D'autres États se mettent dans notre sillage, en reprenant la même structuration que la nôtre.
Nous ne recevons aucune directive politique, monsieur de Courson. Le ministre s'intéresse naturellement à la politique d'émission de l'État. C'est lui qui valide le montant et le projet qui figurent dans le tableau de financement du PLF, c'est-à-dire la taille du programme et les principes selon lesquels nous agissons. Si le ministre jugeait nécessaire de revoir ces principes, il serait en droit de le faire ; mais jusqu'à présent, il a jugé que ces principes étaient frappés au coin du bon sens et, à l'instar de ses prédécesseurs, il n'a pas remis en cause notre politique d'émission. Une fois que le montant a été adopté par le Parlement, nous exécutons le programme et nous rendons compte au ministre, au jour le jour, de nos opérations de financement.
Les stratégies d'émission de la France et de l'Allemagne sont-elles identiques ? Les politiques menées en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni sont plus proches de la nôtre au regard de celle de l'Allemagne. Ce dernier pays a des besoins de financement moins importants – l'État fédéral allemand vient d'annoncer qu'il a dégagé près de 13 milliards d'euros de surplus budgétaires l'année dernière. L'Allemagne essaie de concentrer ses émissions sur ses titres dits benchmark, de référence, qui servent en quelque sorte d'infrastructure pour ses marchés dérivés. Pour que ces marchés, qui représentent un véritable avantage en matière de liquidité, puissent perdurer, il faut que l'Allemagne concentre ses émissions sur les points de benchmark des marchés dérivés – deux ans, cinq ans, dix ans et trente ans.
Je crois que les deux référentiels comptables – la comptabilité budgétaire nationale, qui a été établie par une loi organique, et la comptabilité « maastrichtienne », en droits constatés, fixée par Eurostat – donnent une image fidèle de la réalité, mais en se plaçant sous des angles différents. Il ne m'appartient pas de définir les normes comptables : je me borne à les respecter.