Intervention de Daniel Labaronne

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne :

Au nom du groupe La République en marche, je tiens à féliciter notre collègue Sophie Auconie pour la pertinence de sa démarche et la qualité de son travail. Je ne dis pas cela parce qu'elle et moi sommes géographiquement proches, puisque nos circonscriptions d'Indre-et-Loire appartiennent au même arrondissement de Loches et d'Amboise, et il est vrai qu'en Touraine, dans le Val de Loire, nous cultivons une tradition de courtoisie et de bienséance. Je le dis parce que la déshérence des contrats d'assurance supplémentaire est un vrai problème, auquel notre collègue tente d'apporter des solutions juridiques.

Nous sommes confrontés à un triple problème.

Économique, tout d'abord : le montant de cette déshérence est évalué à 10 milliards – même s'il est approximatif, car de tels contrats peuvent s'inscrire dans une stratégie patrimoniale ou successorale conduisant les assurés à les laisser dormir dans les organismes gestionnaires.

C'est également un problème de confiance dans les produits d'épargne retraite : l'assuré doit avoir des garanties que l'effort d'épargne consenti se traduira par le versement d'un capital ou d'une rente lorsqu'il aura cessé de travailler ou lorsqu'il l'aura décidé.

Enfin, c'est un problème technique de perte d'information, la déshérence ayant bien souvent pour origine les difficultés rencontrées par les assureurs pour retrouver les coordonnées des souscripteurs. À l'ère de l'industrie et des data, un tel problème doit pouvoir être résolu.

Face à ces difficultés, Sophie Auconie propose quatre articles intéressants puisqu'il s'agit d'autoriser les gestionnaires de retraite supplémentaire à interroger l'administration fiscale et les caisses de retraite de base et complémentaires afin de retrouver les ayants droit, d'autoriser la Caisse des dépôts et consignations à missionner des acteurs privés pour rechercher lesdits ayants droit, de raccourcir les délais de déclenchement des procédures de déshérence et de mieux communiquer sur l'existence du site Ciclade.

Cet objectif, je l'ai dit, est tout à fait louable mais il nous semble que cette proposition de loi soulève un certain nombre de difficultés. Je me propose d'en énumérer quelques-unes.

Tout d'abord, elle n'a peut-être pas fait l'objet de suffisamment de concertations avec l'ensemble des acteurs concernés : Caisse des dépôts et consignations, assureurs, associations de consommateurs et, surtout, comité consultatif du secteur financier (CCSF), au sein duquel je représente d'ailleurs l'Assemblée nationale. Hier encore, celui-ci était en réunion plénière pour aborder cette question de la déshérence de tels contrats. Des avancées ont été proposées mais, de mon point de vue, les choses n'ont pas encore complètement abouti et il me semble essentiel d'assurer une bonne implication de l'ensemble des acteurs. Précisément, je travaille avec eux – banquiers, assureurs, consommateurs, épargnants – afin de diminuer le niveau de déshérence, et les conclusions de nos travaux sont en cours d'élaboration. Le CCSF, c'est une centaine de personnes autour de la table, sous l'égide de la Banque de France. Il nous semble donc que l'adoption de cette proposition de loi serait peut-être prématurée, faute d'une consultation suffisante.

Par ailleurs, si l'article 1er ouvre la possibilité, pour les gestionnaires de contrats, donc des acteurs privés, d'interroger l'administration fiscale et les caisses de retraite, il nous semble que cette ouverture des fichiers contredit peut-être la problématique émergente d'une protection accrue des données personnelles.

L'article 2 réduit les délais de déclenchement des procédures de déshérence, notamment de transfert des sommes à la Caisse des dépôts, mais sans évaluation préalable. Là encore, l'adoption d'une telle disposition nous paraît prématurée.

L'article 3 prévoit la possibilité, pour la Caisse des dépôts, de déléguer à des acteurs privés la recherche d'ayants droit mais, là encore, peut-être faudrait-il affiner une telle disposition dès lors qu'elle soulève des questions en matière de confidentialité.

Enfin, l'article 4 présente un caractère un peu artificiel dès lors que la Caisse des dépôts et consignations fait des efforts, fussent-ils insuffisants, pour mieux communiquer sur le service d'intérêt général Ciclade. Surtout, ce point présente des difficultés légistiques : en particulier, il n'est pas fait mention de modalités précises de communication.

Si nous tenons à souligner l'intérêt de la démarche de notre collègue Auconie, si nous pensons qu'il faut vraiment avancer en la matière – le CCSF est bien saisi de ce problème –, nous ne soutiendrons pas néanmoins cette proposition de loi, qui nous semble un peu prématurée.

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