Il ne faut pas dire des choses pareilles…
Force est de vous reconnaître, monsieur le rapporteur, le bénéfice de l'antériorité, mais également l'opiniâtreté dont vous faites preuve sur ces questions. Je vous remercie, par ailleurs, des mots aimables que vous avez eus à l'égard du Président de la République et de la majorité. Le Président, qui sera un jour, c'est certain, un ancien président, s'est effectivement engagé à renoncer aux avantages traditionnellement réservés aux anciens locataires de l'Élysée en matière de retraite. La majorité, quant à elle, en début de législature, a voté, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique, un certain nombre de dispositions visant à nous rapprocher d'abord du statut général des fonctionnaires en matière de retraites, puis, demain, du droit commun.
Comme vous l'avez signalé, vous avez déposé cette proposition de loi il y a plus d'un an. Or, entre-temps, du fait notamment de son existence et de votre effort de conviction, un certain nombre de choses ont beaucoup avancé, en particulier durant l'examen du projet de loi de transformation de la fonction publique.
J'évoquerai d'abord les articles 1er et 3, et garderai le meilleur pour la fin, à savoir l'article 2, qui constitue le coeur de nos discussions.
En ce qui concerne l'article 1er, vous l'avez dit, un décret est en préparation, dont le contenu doit je crois nous être communiqué avant la séance du 30 janvier – j'ai cru comprendre que le ministre s'y était engagé –, ce qui doit nous permettre de débattre sur ce texte. Un décret n'est pas un acte administratif anodin : attendons de connaître le contenu de celui-ci avant de conclure s'il revient à la représentation nationale de se prononcer elle-même pour remédier au problème que pose, de l'avis unanime, le cumul excessif entre pensions de retraite et rémunérations.
L'article 3, vous l'avez signalé, a d'ores et déjà trouvé satisfaction dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique. L'un de vos amendements vise à le supprimer. Mais, encore une fois, force est de reconnaître votre antériorité et votre opiniâtreté, puisque c'est à votre initiative que la disposition en question – en l'occurrence, la remise d'un rapport – a été votée.
L'article 2 vise à limiter la rémunération des membres des AAI et des API, en particulier celle de leurs présidents, qui ne saurait dépasser celle du Président de la République. Toutefois, l'exemple que vous avez cité est un peu contre-intuitif par rapport à votre démarche. Il se trouve que je suis membre de la Commission nationale du débat public - non indemnisé, je tiens à le préciser.
Ce n'est pas en raison de la rémunération de sa présidente que la Commission nationale du débat public n'a pas souhaité assumer le grand débat : la décision est liée à d'autres considérations, notamment aux faibles moyens de fonctionnement dont elle dispose, auxquelles est venu s'ajouter une discussion assez baroque en interne sur la question de savoir si le fait d'animer ce débat respectait l'indépendance de cette commission – j'avais d'ailleurs, sur cette question précise, un avis différent de celui d'un certain nombre de membres, dont la présidente. Quoi qu'il en soit, il me semble que la rémunération de sa présidente, qui a été révélée à cette occasion, est, sauf erreur de ma part, inférieure à celle du chef de l'État. À supposer que cette rémunération soit excessive au regard de la fonction exercée, votre proposition de loi n'y changerait rien.
Ce qui pose problème, dans l'article 2, c'est le fait même de placer le curseur à un niveau précis – qui correspond, en l'occurrence, à la rémunération du chef de l'État. Sur le plan symbolique, l'idée peut s'entendre : on peut considérer que le chef de l'État doit être le mieux payé au sein de la puissance publique. Toutefois, l'enjeu, avec les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes, est de permettre à des personnes qui sont expertes dans leur domaine, reconnues, inattaquables, incontestables, d'éclairer la décision publique, d'y participer et de la contrôler. Or, même si l'on peut trouver cela choquant ou bizarre, dans le secteur privé, les rémunérations de personnes travaillant dans un certain nombre de domaines scientifiques ou artistiques sont très supérieures à celles qui ont cours dans la fonction publique et, incidemment, à celle du chef de l'État. Les personnes en question sont généralement en fin de carrière car elles doivent jouir d'une certaine expérience pour pouvoir légitimer les prérogatives auxquelles elles prétendent. Je vous le dis avec sincérité : demander à des personnes en fin de carrière de diviser par deux ou par trois leur rémunération pour satisfaire à une obligation d'intérêt général, ce n'est pas raisonnable. Il faut donc garder de la souplesse : je crois vraiment qu'il n'est pas souhaitable d'introduire une telle rigidité. Je remarque par ailleurs, et même s'il est vrai que l'État n'est pas en avance, qu'un décret viendra bientôt encadrer la rémunération des membres des AAI et des API, toujours dans le cadre des dispositions de la loi de transformation de la fonction publique. Le débat dans l'hémicycle sur la proposition de loi sera l'occasion de rappeler au Gouvernement qu'il serait bien qu'il avance un peu et que le décret en question soit publié.
Pour toutes ces raisons, nous allons voter contre les articles de la proposition de loi. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés au principe d'un encadrement et d'une plus grande transparence de la rémunération des présidents et des membres des AAI et des API, mais il faut continuer à travailler d'ici à la séance et avoir un débat avec le Gouvernement. J'ajoute que le rapport dont la remise a été votée n'est pas anodin : c'est aussi là une forme de contrôle et d'exigence de transparence. C'est parce que nous saurons quelles sont les rémunérations des présidents et des membres des API et des AAI que nous serons en mesure d'exercer une influence, de définir une nouvelle trajectoire, si nécessaire, pour chacune d'entre elles. Encore une fois, conservons une forme de souplesse, soyons pragmatiques et raisonnables dans la fixation de ces rémunérations.