Cette proposition de loi doit toutes et tous nous rassembler autour d'une préoccupation commune : restaurer un climat de confiance par le versement de rémunérations raisonnables aux personnes qui se voient confier des missions de service public.
Ce texte intervient opportunément, au moment où nous nous apprêtons à discuter de la réforme des retraites. S'agissant des fonctionnaires, la question du cumul a été en partie réglée par la loi de 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites, mais elle mérite d'être réexaminée à la lumière du projet de loi instaurant un système universel de retraite. En tant que députés, nous sommes d'autant plus à l'aise sur ce sujet que nous avons fait notre travail en alignant notre régime de retraite sur le régime général de droit commun ; nous attendons désormais que le Sénat en fasse autant.
Quelques-uns d'entre nous sont membres de l'observatoire de l'éthique publique – préoccupation majeure qui doit accompagner toutes les réformes démocratiques que nous menons. Avec cette proposition de loi, vous avez le mérite de rappeler l'exigence de transparence qui doit nous guider, et qui n'est toujours pas au rendez-vous. Peut-être le décret le permettra-t-il – mais est-il besoin de l'attendre ? Quoi qu'il en soit, il est pour l'heure très difficile de connaître les rémunérations des membres des AAI et des API. Votre rapport a en tout cas le mérite de mettre ce sujet en lumière.
La Cour des comptes elle-même nous invite à réfléchir à cette question de la liquidation de la pension de retraite dans la fonction publique. 30 % des présidents d'AAI ou d'API sont d'anciens conseillers d'État, de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation ; quelle que soit l'excellence du travail mené par ces personnalités, nous devons nous interroger sur l'évolution de leur rémunération une fois leur retraite liquidée. Nous ne pouvons pas engager la réforme des retraites sans nous préoccuper de cette question, en allant au-delà de ce qui a été fait dans la loi de transformation de la fonction publique publiée au Journal officiel en août 2019.
Vous ne cherchez évidemment pas dans cette proposition de loi à remettre en cause l'utilité des AAI et des API ni la qualité des personnalités qui les dirigent, indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie. Il pourrait d'ailleurs être souhaitable de lancer une réflexion sur la constitutionnalisation de certaines d'entre elles : je pense notamment à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à l'image du Défenseur des droits.
Dans un souci – qui est tout à votre honneur – de conciliation avec l'administration, vous avez retiré le Conseil constitutionnel du champ d'application de la proposition de loi. Je voudrais rappeler à ce sujet que nous n'avons pour le moment pas pu obtenir du Conseil constitutionnel que ses membres transmettent une déclaration d'intérêts et de patrimoine, alors que les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont tenus de le faire, et qu'une telle déclaration devrait être obligatoire. Une proposition de loi organique relative aux obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil constitutionnel a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en février 2017, et transmise au Sénat. Et dans le cas d'une autorité amenée à prendre des décisions susceptibles de servir à trancher des litiges en cas de recours, nous devons nous assurer qu'elle le fait sans conflit d'intérêts, ce qui dépasse largement la question du cumul d'indemnités d'activité et de pensions de retraite.
Enfin, si nous voulons aller plus loin dans le sens de la transparence et de la déontologie, nous devons aussi nous interroger sur le cumul d'indemnités et d'activités par les élus ; c'est ce que nous avons commencé à faire dans le cadre des lois de septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Les rémunérations associées à un ou plusieurs mandats importants exercés par un élu doivent être encadrées.
Il est vrai qu'un décret en Conseil d'État, prévu par l'article 38 de la loi du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique, doit bientôt venir traiter la question. Reste que les parlementaires se doivent de faire en sorte que ces décrets soient publiés dans un délai raisonnable, et de se donner la possibilité de travailler sur la question plutôt que de devoir se prononcer sur un amendement présenté au tout dernier moment, le jour de la séance. Je redoute que les hauts fonctionnaires en charge de la rédaction du décret prennent tout leur temps pour le faire paraître ; il serait de bonne pratique législative d'accompagner cette proposition de loi et de l'adopter. Nous pourrions alors, d'ici à la séance, nous assurer de la conformité du décret une fois celui-ci publié, tout en respectant les exigences de transparence sur lesquelles notre présidente avait beaucoup travaillé dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique, mais dont nous ne voyons pour l'heure aucune concrétisation… Emparons-nous de ce sujet, soutenons cette proposition de loi afin de mettre le Gouvernement, en séance, en situation de nous convaincre du caractère inopportun ou inadapté du texte proposé.
À ce stade, au regard de ces préconisations essentielles à nos yeux, le groupe Socialistes et apparentés votera pour ce texte.