Je voudrais remercier l'ensemble des porte-parole des groupes et je me réjouis, indépendamment des votes attendus en commission ou plus tard dans l'hémicycle, que nos vues sur le sujet soient globalement convergentes.
Je rappelle à M. Arnaud Viala que seule la question de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel nécessitait l'élaboration d'une loi organique. Nous l'avons d'ailleurs rédigée, et les 160 députés cosignataires de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui l'ont également cosignée. Cependant, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, j'ai, au fil de mes travaux, modifié le périmètre d'application du texte pour le circonscrire aux seules AAI et aux API.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre les autorités concernées, qui sont au nombre de vingt-cinq, avec les agences de l'État. Lorsque notre collègue Guillaume Vuilletet nous indique que certaines personnes nommées à ces postes auraient du mal à accepter de voir leur rémunération divisée par deux ou trois, il se trompe. Ils ne seront pas si malheureux qu'il le dit…
Sur les vingt-cinq présidents d'AAI et d'API, seuls huit ont une rémunération supérieure à celle du Président de la République. Rappelons, pour mémoire, que le traitement du Président de la République s'élève à 182 400 euros annuels. Les huit autorités concernées sont l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – son président perçoit 191 833 euros annuels ; l'Autorité de la concurrence – 194 980 euros ; l'Autorité nationale des jeux (ANJ) – 195 294 euros ; l'Autorité des marchés financiers (AMF) – 241 908 euros ; l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – 220 000 euros ; la Haute autorité de santé (HAS) – 210 197 euros ; la Commission de régulation de l'énergie (CRE) – 200 201 euros ; le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) – 189 168 euros. Voilà les huit fonctions concernées par l'article 2 de la proposition de loi, qui vise à ramener les rémunérations dans un cadre plus raisonnable, autrement dit à environ 180 000 euros.
Sans doute est-ce mon côté loyaliste et légitimiste qui m'a fait prendre comme repère la rémunération du Président de la République, cher Alexis Corbière. Dans la circonscription dans laquelle je vis, située dans les Marches de Bretagne, nous sommes loyalistes et légitimistes ; on connaît la valeur travail mais on respecte les élus, on respecte le patron, et on se respecte les uns les autres.
Cependant, lorsque nous avons rédigé l'article 2 en décidant de plafonner le montant des rémunérations à hauteur de celle du Président de la République, nous avons fixé un volume financier – 182 400 euros annuels. Or je concède qu'il faut, pour donner du crédit et de la solidité à la proposition, notamment sur le plan juridique, que cet article 2 soit adossé à la grille indiciaire de rémunération de la fonction publique. Nous allons y travailler d'ici à la séance afin de fixer un cadre juridique précis.
Notre texte se concentre donc uniquement sur les autorités administratives. S'agissant des agences de l'État, comme la compagnie nationale du Rhône (CNR) – nous avons auditionné il y a quelques mois la personne qui était pressentie pour être nommée à sa tête par le Président de la République –, leurs membres touchent des rémunérations qui n'ont rien à voir avec les sommes que je viens d'évoquer. Mais le moment venu, je vous assure qu'il faudra également s'en occuper, comme il faudra s'occuper du Conseil constitutionnel.
Chacun votera naturellement en conscience, mais je le dis pour celles et ceux qui ne sont pas convaincus : ce sujet ne vous lâchera pas. Depuis dix ans, j'ai vu cette question se concentrer uniquement sur les parlementaires, souvent jetés en pâture à l'opinion publique. Ils avaient, disait-on, une enveloppe pour payer leur personnel, la réserve parlementaire, l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), ils se promenaient avec des valises d'argent liquide ; quand cela les arrangeait, ils s'en servaient pour payer leurs collaborateurs parlementaires ; à d'autres moments, ils le destinaient aux maires ou aux associations de leur circonscription. Tout cela a été dit, redit, répété à l'envi dans les médias, télévision, radio ou presse écrite. Et cela s'est terminé comme on sait.
Pour ma part, je n'ai jamais eu aucun problème à cet égard : depuis que je suis devenu député, en 2007, j'ai toujours rendu transparent l'usage de ma réserve parlementaire, et j'ai moi-même écrêté ma propre rémunération. Rappelons au passage, pour ceux qui nous regardent, que la rémunération des parlementaires, et singulièrement des députés, est fixée dans un cadre réglementaire, et qu'elle se trouve plafonnée à une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire.
Ce qui est problèmatique avec le décret, c'est son caractère discrétionnaire. Le Président Emmanuel Macron a fait la campagne des élections présidentielles dans le contexte particulier de « l'affaire Fillon » – celui-ci a payé pour une époque et pour des pratiques qui n'étaient certes pas généralisées, mais plus ou moins admises ; il régnait en tout cas une forme d'opacité quant à l'utilisation et la gestion des enveloppes parlementaires. Or je suis profondément déçu qu'Emmanuel Macron ait fait subsister cette opacité dans la gestion des autorités administratives dites indépendantes, et ce d'abord au stade de la nomination. Vous nous dites qu'il sera difficile de trouver des candidats, mais ce n'est pas vrai. Ce peut être le cas pour les agences de l'État, car les candidats potentiels se trouvent dans des champs fortement concurrentiels, par exemple quand il s'agit de la gestion des barrages du Rhône ou du réseau de transport d'électricité. Mais ce sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ou des établissements publics à caractère administratif, alors que ma proposition de loi se cantonne aux autorités administratives indépendantes, c'est-à-dire à celles que nous créons en tant que législateurs, ou que le Gouvernement crée – la première d'entre elles a été la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), instituée dès 1978. Il faut mettre fin à ce caractère discrétionnaire, à cette opacité qui nourrit, comme l'a dit Paul Molac, une défiance terrible.
Ma proposition de loi est de portée modeste. Mais c'est une première pierre à un édifice qui, j'en suis certain, en comprendra d'autres. Il faudra sans doute un jour aller bien au-delà. C'est ce que le Président de la République et nous-mêmes avons entendu lors du grand débat national.
Mme Cécile Untermaier a insisté sur le caractère d'exemplarité et rappelé, comme l'indique le rapport de la Cour des comptes et celui de la commission d'enquête dont le rapporteur était M. Jacques Mézard, que 30 % des personnes nommées dans ces autorités sont issues de la Cour des comptes, de la Cour de cassation ou du conseil d'État. Cela ne me gêne pas, mais je veux que leur rémunération soit clairement définie, non par la voie d'un décret discrétionnaire, au gré du gouvernement ou du ministre en place.
S'agissant du cumul entre la pension de retraite, la rémunération et l'indemnité, je considère qu'on ne doit pas procéder par un écrêtement spécifique. Pourquoi ces hauts fonctionnaires, qui ont le sens de l'État, qui exercent les plus hautes responsabilités au cours de leur carrière, bénéficieraient-ils d'une dérogation lorsqu'ils feraient valoir leurs droits à la retraite, tandis qu'un fonctionnaire de catégorie C, B, A, autrement dit un fonctionnaire lambda ne peut pas déroger au droit ? Ces anciens fonctionnaires ont eu de belles rémunérations, tant mieux pour eux ; pourquoi devraient-ils pouvoir cumuler plus que les autres ? J'ai entendu sur une radio il y a peu un haut fonctionnaire, dont la rémunération a oscillé pendant quarante ans entre 9 000 euros et 16 000 euros par mois, expliquer à la journaliste qui l'interrogeait que sa retraite de base ne sera que de 5 000 euros, et se demander ce qu'il allait bien pouvoir transmettre à ses enfants avec une pareille retraite… J'ai honte d'entendre de tels propos ! Si vous le voulez, je pourrai vous donner en privé le nom de ce haut fonctionnaire qui a été ministre sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et celui de François Hollande.