Notre discussion ne porte pas sur le corps électoral, qui a été défini en 1998 ; elle porte sur l'inscription de citoyens calédoniens répondant aux critères requis pour disposer du droit de vote lors des opérations référendaires. Nous parlons donc des modalités d'inscription sur les listes.
Ce préalable est important : en aucun cas, les critères d'appartenance au corps électoral ne sont remis en question. Tous les acteurs politiques s'accordent sur ce point. Ce dont il est question, ce sont des modalités d'inscription sur la liste électorale spéciale pour la consultation.
Pour y accéder, il y a plusieurs voies, qui ont déjà été présentées par le rapporteur : la voie volontaire ; la voie d'office ; l'inscription automatique. Pour que la liste électorale spéciale pour le référendum soit la plus exhaustive possible, il a été décidé, lors des comités des signataires des 5 juin 2015 et du 2 novembre 2017, de dispenser certaines catégories d'électeurs de toute démarche pour être inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation, la LESC.
Qui est concerné par cette dispense ? Ceux qui ont été inscrits sur la liste électorale spéciale pour la consultation du 8 novembre 1998, dite LES 98, approuvant l'accord de Nouméa. Ceux qui ont le statut civil coutumier. Ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie au plus tard le 31 octobre 1980 et sont inscrits sur la liste spéciale pour les provinciales, et sont de ce fait présumés détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux – CIMM – en Nouvelle-Calédonie. Ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie après le 31 octobre 1980 et ont été inscrits d'office sur la liste électorale spéciale pour les provinciales, qui sont eux aussi présumés détenir le CIMM en Nouvelle-Calédonie. Ceux qui, nés entre le 1er janvier 1989 et le 5 septembre 2002, ont fait l'objet d'une inscription d'office sur la liste électorale provinciale, et dont l'un des parents a été inscrit sur la liste électorale spéciale de 1998. À titre exceptionnel en 2018, les électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et qui sont ou ont été domiciliés de manière continue pendant trois ans au moins ont été également réputés détenir le CIMM en Nouvelle-Calédonie et ont pu de ce fait être inscrits d'office sur la LESC.
Pour ce qui concerne cette dernière catégorie d'électeurs, la loi organique de 2018 est, vous l'avez signalé, monsieur le rapporteur, le fruit du consensus obtenu lors du comité des signataires et du congrès. En outre, elle a garanti le principe d'une présomption simple de détention du CIMM en Nouvelle-Calédonie pour les natifs y résidant plus de trois ans. Cette présomption simple vaut pour les deuxième et troisième référendums éventuels. C'est une avancée majeure effectuée par le comité.
La proposition de loi organique que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui vise à modifier ces modalités d'inscription afin de permettre, pour les prochains référendums, l'inscription d'office sur la liste électorale spéciale à la consultation des natifs de Nouvelle-Calédonie y résidant depuis plus de trois ans.
Rappelons qu'il s'agit d'une inscription soumise à la décision de la commission administrative, laquelle peut bien entendu renverser la présomption.
Le Gouvernement s'oppose fermement à toute modification de l'équilibre obtenu dans le cadre des instances de dialogue et de décision que constituent le comité des signataires et le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
En effet, je signale que cette question a déjà fait l'objet de nombreux débats depuis 2017, qui ont abouti à un avis unanime du congrès de Nouvelle-Calédonie, le 23 novembre 2017, lequel a décidé, au terme de longs échanges – vous avez cité le nombre d'heures de discussions, monsieur le rapporteur – , que cette mesure d'inscription d'office devait être exceptionnelle et de ce fait circonscrite au seul premier référendum.
Telle a été l'expression unanime de la représentation calédonienne ; à ce jour, elle n'a pas été démentie. Je vous renvoie aux interventions telles qu'elles ont été publiées dans le compte rendu intégral des débats du congrès, que je tiens à votre disposition.
Je le souligne, car c'est important : le projet de loi organique initial du Gouvernement, soumis à la consultation du congrès, ne restreignait pas, pour sa part, l'inscription d'office au premier référendum. La volonté initiale du Gouvernement était de l'appliquer sur la durée. Or l'avis rendu par le congrès, à l'unanimité de ses membres et après, je le répète, de très longs échanges, sur le projet de loi organique en 2017 a exprimé la demande explicite que l'inscription d'office soit limitée à la consultation de novembre 2018. Je veux bien que l'on réécrive l'histoire aujourd'hui, mais la réalité, c'est celle-là !
Désireux de tenir compte du vote unanime exprimé par le congrès de Nouvelle-Calédonie à la fin 2017, le Gouvernement a choisi de suivre son avis et d'indiquer dans la loi organique que les inscriptions d'office ne pourraient être faites qu'en 2018, qu'elles n'auraient pas de caractère automatique et que la présomption de détention d'un CIMM demeurait.
Lors des débats au Sénat, cet article de la loi organique avait été adopté sans que cette disposition ne fasse l'objet d'une discussion particulière. À l'Assemblée nationale, il avait aussi été adopté à l'unanimité, et M. Gomès avait même rappelé à cette occasion le consensus qui le fondait.
Il faut ajouter qu'au lendemain du premier référendum, notamment à l'occasion de l'examen du bilan opérationnel effectué avec les forces politiques calédoniennes de Nouvelle-Calédonie, le 14 décembre 2018, soit environ un mois après le vote, ce point n'a été évoqué à aucun moment. Bien au contraire, la lecture du compte rendu des débats montre que l'hypothèse d'une révision de la loi organique pour les référendums à venir a été exclue.
D'autre part, les services du haut-commissaire ont engagé un travail sans précédent, comme le Premier ministre en avait pris l'engagement. Le haut-commissaire a d'abord identifié de façon très large les personnes disposant d'une adresse qui pouvaient faire partie de la catégorie d'électeurs concernée. Il a été effectué le choix, en totale transparence avec les groupes de travaux constitués des représentants des groupes politiques, d'adresser un courrier avec accusé de réception puis en envoi simple, à 1 053 identités – je dis bien « identités », et non « personnes », car ce n'est pas forcément la même chose – inscrites sur les fichiers sociaux depuis plus de trois ans et absentes de la liste générale, ainsi qu'à 941 personnes inscrites sur la liste générale depuis plus de trois ans.
Il importe de préciser que les 1 053 identités issues des fichiers sociaux ne correspondent pas forcément à 1 053 personnes manquantes. Il n'est pas rare en effet, vous le savez, qu'une même personne soit présente dans les fichiers sociaux sous deux identités, parce qu'en Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas de numéro d'INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques – , ou qu'une erreur d'orthographe a été commise, ou encore que la personne est décédée sans que cela ait été signalé. Il faut tenir compte de ces particularités. À titre d'exemple, vingt-huit personnes destinataires des courriers se sont manifestées auprès du haut-commissaire pour signaler qu'elles étaient déjà inscrites. Vérification faite, ces personnes étaient inscrites sous une identité légèrement différente – autre orthographe du nom ou des prénoms, par exemple.
Il faut aussi préciser que toutes les communes ont été destinataires des croisements des listes. L'information a été largement transmise grâce au portail informatique et mobile, et plus de 14 400 consultations différentes ont été constatées à ce jour.
À ces 1 994 courriers – et la confusion vient sans doute de là – s'ajoute le courrier adressé à 2 877 jeunes majeurs pour les sensibiliser. Ces jeunes majeurs ne sont pas concernés par l'inscription d'office au titre des natifs disposant de trois années de résidence, puisqu'ils peuvent déjà être inscrits d'office au titre des premiers critères que j'ai énumérés.
Tout ce travail est réalisé en parfaite transparence et en liaison avec les groupes politiques, qui sont réunis régulièrement par le haut-commissaire. Le chiffre de 5 000 personnes, très souvent évoqué, ne correspond à aucune réalité. Il ne faut pas ajouter à la confusion. Il importe ici de clarifier les choses, et je souhaiterais que l'ensemble de l'Assemblée nationale en ait conscience.
Enfin, pour être parfaitement exhaustive et transparente devant la représentation nationale, je ne peux pas laisser dire que la campagne d'information et de sensibilisation visant à susciter des demandes d'inscription volontaire parmi les natifs disposant d'au moins trois années de présence, n'a pas été effective. Sur les 1 994 envois avec accusé de réception, 311 n'ont pas été distribués en raison de problèmes d'acheminement du courrier. À ce jour, de nombreuses demandes d'inscription sur la liste spéciale ont été déposées en mairie. M. Gomès évoquait des constats effectués par les mairies, mais le bilan n'est pas encore définitif – il devrait nous être transmis sous peu.
L'engagement que nous avions pris envers ces personnes a été tenu. Les commissions administratives spéciales procéderont à l'examen de ces demandes à la fin du mois de mars, comme cela est prévu par la loi organique. Ce n'est qu'alors que nous disposerons de l'ensemble des données. J'ajoute que le représentant de l'administration sera particulièrement attentif à l'examen de leur cas au sein des commissions administratives spéciales.
Mesdames et messieurs les députés, c'est avec beaucoup de gravité que je m'exprime devant vous, au nom du Gouvernement. Les conséquences d'une adoption de la présente proposition de loi organique pourraient déstabiliser profondément l'équilibre consensuel construit depuis près de trente ans en Nouvelle-Calédonie.