Chacun le constate dans son entourage : les maladies chroniques, notamment le diabète – objet initial de votre proposition de loi – imposent une lutte quotidienne à ceux de nos concitoyens qui en sont atteints, y compris en matière d'accès à l'emploi. Vous avez rappelé les chiffres de France Santé, madame la rapporteure : 3,3 millions de personnes sont traitées pour un diabète, soit 5 % de la population française, avec des inégalités sociales et territoriales très fortes – je pense notamment aux territoires d'outre-mer. Plus globalement, 20 millions de personnes sont atteintes de maladies chroniques en France. J'ai une pensée pour ces personnes – parfois très jeunes – et leur combat, et salue l'engagement des soignants, des proches et des associations qui se mobilisent pour affronter chaque jour ces maladies, mais aussi pour oeuvrer à la construction d'une société véritablement inclusive.
Ce projet de société inclusive est pleinement partagé par le Gouvernement. En témoignent, dans le champ du handicap, l'action déterminée de Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, et les mesures ambitieuses que j'ai défendues et que vous avez adoptées lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Pour ce qui est plus spécifiquement du diabète et des maladies chroniques, rappelons que le Gouvernement agit à plusieurs niveaux. En premier lieu, comme le souligne régulièrement Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, nous agissons au moyen de la stratégie nationale de santé 2018-2022 et des lois de financement de la sécurité sociale afin d'améliorer la prévention et la prise en charge de ces maladies, notamment pour éviter les complications.
D'autre part, l'objectif opérationnel « maintien en emploi » du troisième plan santé au travail – le PST 3, dont la mise en oeuvre est partagée entre l'État, les partenaires sociaux, la sécurité sociale et les organismes et acteurs de la prévention – comprend une action sur le maintien en emploi des salariés atteints de maladie chronique, action que pilote l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, l'ANACT. Le prochain plan santé au travail, le PST 4 pour la période 2021-2025, devra offrir l'occasion aux acteurs de mettre davantage l'accent sur ce sujet.
De même, la future réforme de la santé au travail, qui doit prochainement donner lieu à une négociation des partenaires sociaux, a pour but d'améliorer davantage ce suivi en favorisant une meilleure couverture médicale et en renforçant les liens entre santé au travail et santé publique – deux domaines encore très distincts.
Néanmoins, les patients atteints de diabète continuent de se heurter à des limitations d'accès à certains métiers réglementés – c'est ce qui vous a incitée, madame la rapporteure, à déposer cette proposition de loi en novembre 2018, à quelques jours de la journée mondiale du diabète le 14 novembre.
Créées par voie réglementaire nationale ou internationale, ces limitations concernent différents secteurs : police, armée, douanes, métiers de la sécurité, sapeurs-pompiers, aviation civile, gens de mer. Concrètement, elles prennent la forme d'une déclaration d'inaptitude pendant le processus de recrutement ou pendant la carrière si le diabète se développe a posteriori. Certains ministères ont déjà entamé un travail complexe visant à assouplir ces limitations afin de tenir davantage compte des évolutions technologiques et médicales, mais force est de constater – vous l'avez fait – que la mobilisation coordonnée et régulière de tous est nécessaire pour changer de vitesse et d'échelle en la matière. C'est d'autant plus vrai, comme le souligne le défenseur des droits, que le champ d'action doit être plus large, car d'autres maladies chroniques, connues ou à venir, peuvent constituer des sources de discriminations de nature très similaire.
L'enjeu est donc clair : articuler de façon plus juste et plus pragmatique le principe de non-discrimination et les motifs impérieux de sécurité des personnes concernées, de leurs collègues ou des tiers intervenant dans leur environnement de travail.
Aussi, madame la rapporteure, je salue votre proposition d'instaurer un comité interministériel d'évaluation des textes encadrant l'accès au marché du travail des personnes atteintes de maladies chroniques. Prévue à l'article 1er, la création d'un tel comité permettra de procéder à une évaluation globale des réglementations nationales et internationales en la matière, afin d'en finir avec la réflexion métier par métier et ministère par ministère prévalant à l'heure actuelle, et avec les défauts qu'on lui connaît.
Toutefois, afin que cette instance produise un travail utile, compte tenu des normes internationales en vigueur, il semble indispensable de mieux articuler les travaux du comité avec le principe de non-discrimination, que vous introduisez à l'article 2.
Tel est le sens des modifications de cohérence proposées par le biais de l'amendement à l'article 2 – dont chacun ici convient qu'il constitue le coeur du sujet – déposé par le Gouvernement. Il prévoit que nul ne peut être écarté d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation au seul motif qu'il serait atteint d'une maladie chronique. En outre, il précise que ce seul motif ne peut justifier de sanction, de rupture de la relation de travail ou de mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation et de renouvellement de contrat.
Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise de décisions individuelles à la suite d'un examen ou d'un avis médical, prévues par voie législative ou réglementaire, et justifiées par la fonction à laquelle prétendent les personnes concernées et l'état des traitements possibles ainsi que leur sécurité, celle de leurs collègues ou celle des tiers.
Aussi, afin – je le répète – de ne pas préempter l'issue des travaux du comité tout en respectant les échéances fixées par le législateur dès l'examen du texte en commission, le calendrier d'action suivant est proposé : dès la promulgation de la présente proposition de loi, le comité interministériel d'évaluation sera mis en place. Ses travaux auront deux débouchés.
En premier lieu, un an après la promulgation de la loi au plus tard, les parlementaires disposeront du rapport du Gouvernement, prévu à l'article 3. Ces travaux serviront également de base à la révision des restrictions susmentionnées. Ainsi, nous disposerons d'un délai d'un an pour appliquer le principe de non-discrimination prévu à l'article 2.
Ensuite, deux ans après la promulgation de la loi, conformément au délai que vous avez adopté en commission, l'article 2 entrera pleinement en vigueur. Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'une méthode transparente et pragmatique, entendant rompre avec l'attentisme du passé.
Enfin, je ferai une observation au sujet de l'article 4. Bien que son contenu ne relève pas véritablement du domaine de la loi – soit dit sans vouloir donner dans le juridisme – , le Gouvernement adhère pleinement à l'objectif visé et prend l'engagement de mettre en oeuvre une campagne de sensibilisation à l'inclusion sur le marché du travail.
En conclusion, permettez-moi de saluer votre travail, madame la rapporteure. Vous l'aurez compris, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement, sous réserve de l'adoption des modifications précitées, qui sont d'articulation et non d'intention, émettra un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi, et lèvera en conséquence le gage prévu à l'article 5.