Les chiffres du diabète nous sont souvent présentés pour nous alerter. Cette façon de produire des chiffres a souvent réduit une réalité subie et vécue à des statistiques sans âme et parfois stigmatisantes – je le dis sans adresser de reproche au passé. L'objet du texte que nous examinons est de rétablir le fait que la victime est bien celle qui souffre de cette maladie. Cela vaut pour le diabète, le cancer, le handicap moteur et bien d'autres situations qui conduisent à une discrimination à l'embauche pour ceux qui en sont victimes. C'est une double peine.
Cette proposition de loi est la bienvenue, car, comme vous le rappelez, madame la rapporteure, les territoires ultramarins sont les plus touchés par cette pathologie qu'est le diabète. Aujourd'hui, le droit interdirait ou restreindrait de facto l'accès à la profession de pilote ou à une grande partie des métiers de l'armée à près de 50 000 Polynésiens atteints de diabète, et peut-être 22 000 supplémentaires non encore dépistés. Prononcer ces mots suffit à reconnaître l'absurdité de la loi que fustige le rapport, à raison : ce sont quelque 70 000 personnes qui partent avec un potentiel d'exclusion et de marginalisation sociale plus important, du fait de la loi, sur une population totale de 275 000 habitants. Cette discrimination s'ajoute à une précarité déjà supérieure à celle constatée en métropole, et je suis intimement convaincu que c'est un raisonnement qui s'applique à tous les territoires d'outre-mer.
Désigner les hommes et les femmes qui se trouvent dans cette situation comme véritables victimes de la maladie est indispensable et permettrait aussi d'amorcer un débat de société.
N'ignorons plus les nombreux facteurs sociaux qui causent la maladie qu'est le diabète : oui, c'est clair, la société crée le diabète ; elle entre d'ailleurs dans l'un des quatre groupes des maladies dites « de civilisation ». Dans le cas de la Polynésie, comment ne pas voir qu'à mesure que le déficit de notre balance commerciale s'accroît, le diabète progresse, signifiant au passage notre dépendance grandissante aux importations ? C'est là le résultat direct de la colonisation dans le Pacifique : on a commencé par expliquer à nos ancêtres que leur alimentation était mauvaise, pour ensuite les convaincre qu'importer 88 % de ce que nous mangeons, de France et d'ailleurs, était signe de progrès.
Peut-être me rétorquera-t-on que le travail et la santé relèvent tous deux de la compétence de la Polynésie, collectivité à statut particulier. Mais, jusqu'à preuve du contraire, l'accès aux emplois de l'armée n'est pas décidé par la Polynésie ; il en va de même pour les emplois de fonctionnaires d'État que sont les douaniers, la police nationale ou les fonctionnaires pénitentiaires.
Pour ce qui est de la compétence santé, une remarque à propos de l'Heberprot-P, médicament cubain à l'efficacité prouvée pour éviter l'amputation du pied diabétique. Cela fait maintenant six ans que les Polynésiens attendent que la France veuille bien mettre fin à l'amputation de 150 pieds diabétiques par an. Oui, notre statut est censé nous accorder la compétence en matière de santé, mais les médicaments ne sont pas concernés. L'autorisation de mise sur le marché dépend de l'État.
Pour la clarté du débat, j'aimerais formuler une interrogation à propos de l'article 4 de la proposition de loi : la campagne de communication publique concernera-t-elle aussi la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ?
En tout état de cause, le groupe de la gauche démocrate et républicaine votera cette proposition de loi qui vise à réduire les discriminations à l'embauche qui touchent les personnes victimes de diabète. Nous y souscrivons et souhaitons un débat riche sur les causes d'une maladie de société, je l'ai dit, une maladie de civilisation.
Pour conclure, je souhaite m'adresser à ce jeune homme formidable qui est dans les tribunes, et qui porte un prénom polynésien : Hakaroa, e te toa, kia kaha !