La déshérence des retraites supplémentaires est un problème dont l'ampleur demeure, à mon avis, trop méconnue et qui nécessite une action rapide du législateur, compte tenu notamment de la conjoncture sociale.
Treize milliards ! L'encours des retraites supplémentaires menacées par la déshérence s'élève à 13 milliards d'euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, ce montant équivaut à l'ensemble du budget consacré à l'écologie et au développement durable en 2020. Je souhaiterais que chacun d'entre vous prenne la mesure de ce chiffre.
Les retraites supplémentaires constituent le troisième étage de notre système de retraite, en sus des régimes obligatoires de base et complémentaires. Il s'agit souvent de contrats-cadres d'entreprises, qui permettent au souscripteur d'accumuler un capital tout au long de sa vie professionnelle afin de compléter sa pension de retraite, sachant que la sortie peut se faire en rente ou en capital. Néanmoins, une partie non négligeable de cette épargne n'est jamais réclamée ni restituée aux bénéficiaires ou aux ayants droit.
Certes, les lois Eckert, Sapin 2 et PACTE – loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – ont apporté diverses solutions pour remédier à cette situation. Les obligations de recherche et d'information applicables aux assureurs ont été renforcées. En outre, la Caisse des dépôts et consignations a été chargée de conserver les capitaux issus des divers contrats d'assurance en déshérence et d'organiser la publicité de l'identité de leurs bénéficiaires.
Toutefois, différents travaux de la Cour des comptes et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ont montré que des progrès restaient à réaliser en ce qui concerne les contrats de retraite supplémentaire, plus exactement le stock ancien de ces contrats. La présente proposition de loi vise donc à renforcer les dispositifs existants de protection des épargnants.
Le déficit de l'information à disposition des assurés et des assureurs constitue la principale difficulté que j'ai pu identifier.
Les assurés, tout d'abord, pâtissent de la relative illisibilité des contrats de retraite supplémentaire. Contrats « article 82 », contrats « article 83 », contrats « Madelin », PERCO – plans d'épargne pour la retraite collectif… Il est aisé de se perdre parmi tous ces dispositifs, dotés chacun de caractéristiques différentes. Au gré des changements d'entreprise et de domicile ou à cause de la multiplication des adhésions, les assurés finissent par oublier l'épargne qu'ils ont pu constituer, faute d'une information accessible et régulière concernant leurs droits acquis.
Les assureurs, pour leur part, éprouvent des difficultés à retrouver les assurés et leurs bénéficiaires, la plupart du temps en raison d'une base de données déficiente ou dégradée – du fait d'une fusion d'entreprises, d'une fusion de fichiers, d'un changement de programme… Cela les empêche de maintenir un contact de long terme avec les titulaires des contrats.
Je souligne à cet égard que la loi PACTE a procédé à un remaniement profond du paysage de l'épargne retraite. Les nouveaux produits qu'elle a créés permettront certainement de prévenir l'apparition d'un nouveau flux de contrats en déshérence – et je salue cette évolution, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. En revanche, la difficulté demeure entière pour le stock ancien. Le montant en jeu est, je le rappelle, de 13 milliards, soit l'équivalent du budget de l'écologie et du développement durable.
Par conséquent, l'article 1er de la proposition de loi vise à permettre aux assureurs d'obtenir, auprès des caisses de retraite et de l'administration fiscale, les coordonnées des bénéficiaires des contrats de retraite supplémentaire, en vue de pallier le déficit d'information que je viens d'évoquer.
Toutefois, ayant entendu les remarques du Comité consultatif du secteur financier – au sein duquel notre collègue Daniel Labaronne représente l'Assemblée nationale – et des différents acteurs du secteur, je vous proposerai, par amendement, d'affiner ce dispositif en organisant les échanges d'information dans le cadre du groupement d'intérêt public Union Retraite. Celui-ci agira comme tiers de confiance habilité à manipuler les données personnelles, par définition confidentielles.
L'article 2 tend à avancer dans le temps le moment auquel la déshérence des contrats de retraite supplémentaire est caractérisée. À ce jour, les assureurs n'ont l'obligation de rechercher les bénéficiaires de ces contrats que lorsque l'assuré atteindrait 120 ans. Cet âge est bien trop tardif et je propose de l'avancer au quatre-vingt-dixième anniversaire de l'assuré – j'expliquerai pourquoi.
L'article 3 prévoit une expérimentation de deux ans au cours de laquelle la mission de recherche des bénéficiaires des contrats en déshérence pourra être confiée à des organismes spécialisés, une fois les sommes afférentes aux contrats confiées à la Caisse des dépôts et consignations.
L'article 4 vise à lancer une campagne de communication autour de la plateforme Ciclade, instrument grâce auquel les titulaires ou bénéficiaires des contrats peuvent réclamer leurs capitaux en déshérence, conservés de ce fait par la Caisse des dépôts et consignations. Cet outil demeure en effet mal connu. Veuillez lever le nez de votre téléphone portable, mes chers collègues, et me dire qui parmi vous connaît l'existence de la plateforme Ciclade et l'usage qui peut en être fait ?