Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Déshérence des retraites supplémentaires — Présentation

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui pour étudier cette proposition de loi. Vous avez raison, la déshérence des produits d'épargne représente un sujet important pour nos concitoyens qui se sont constitué une épargne, même modeste, individuellement ou par l'intermédiaire de leur entreprise : cette épargne leur échappe.

La lutte contre la déshérence constitue un enjeu non seulement pour le bon fonctionnement de notre système financier, mais aussi de justice sociale. Ce sont plusieurs milliards d'euros qui sont aujourd'hui sur des comptes inactifs ou des assurances vie non liquidées et qui ne profitent pas à nos concitoyens. C'est notamment le cas pour les produits d'épargne retraite qui sont l'objet de cette proposition de loi.

Les raisons peuvent en être multiples. Certains salariés bénéficient d'un produit d'épargne retraite d'entreprise souscrit par leur employeur sans en avoir été précisément informés. D'autres ont perdu la trace du gestionnaire de cette épargne et n'ont plus d'interlocuteur à qui s'adresser au moment de la retraite pour récupérer leurs avoirs. D'autres encore sont inscrits comme bénéficiaires sur le contrat d'assurance d'un de leurs proches sans le savoir, et ne recevront donc pas les sommes qui leur sont dues au décès du titulaire du contrat.

Comme l'explique Mme la députée Auconie dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, lutter contre la déshérence de ces produits représente un gain potentiel de pouvoir d'achat non négligeable pour nos compatriotes, qui sont en droit de récupérer ces sommes.

Quelques chiffres : les avoirs sur les comptes bancaires inactifs représentent 6,2 milliards d'euros ; les contrats d'épargne retraite non liquidés des assurés de plus de 65 ans représentent 5,4 milliards d'euros. S'assurer que l'argent des comptes et contrats en déshérence revient à leur bénéficiaire garantit un système financier sain ; c'est aussi un levier pour soutenir l'activité économique de notre pays, plutôt que de laisser dormir une épargne de manière improductive ; cela permet enfin à nos concitoyens d'exercer leurs droits et de se repérer dans des dispositifs parfois complexes.

Je souligne que des progrès importants ont été réalisés ces dernières années pour lutter contre la déshérence des avoirs financiers, sous l'impulsion du législateur et grâce à une mobilisation coordonnée des acteurs publics et privés.

L'action du législateur a été décisive au cours de la décennie écoulée pour remédier à la déshérence financière. La loi Eckert en 2014, la loi Sapin en 2016 et la loi PACTE en 2019 ont progressivement construit un dispositif de lutte robuste, permettant de prévenir la déshérence sur les comptes inactifs et les assurances vie.

Elles imposent aux entreprises financières des obligations d'information et de recherche des ayants droit ou des bénéficiaires de comptes inactifs ou en déshérence, et leur donnent accès à cette fin aux données de l'INSEE sur les décès. Elles prévoient, après un certain délai accordé aux entreprises pour effectuer les recherches, un transfert des sommes en déshérence à la Caisse des dépôts et consignations. Elles confient à la Caisse des dépôts la mission de publier les informations sur un portail public et de restituer les sommes sur demande des titulaires ou des bénéficiaires. Enfin, elles prévoient, après trente ans, le versement des capitaux non réclamés au budget de l'État.

La loi PACTE a également apporté des améliorations : elle a créé de nouveaux plans d'épargne retraite, intégralement portables et transférables tout au long de la vie ; ils se trouvent donc beaucoup moins exposés au risque de déshérence.

La Cour des comptes a dressé un bilan positif de ces mesures, soulignant notamment la bonne appropriation des dispositifs par les acteurs concernés. L'ouverture d'un droit de consultation des données sur les personnes décédées a massivement augmenté l'identification des contrats devant être réglés : depuis 2015, plus de 250 000 contrats ont ainsi été identifiés. Depuis 2016, 5,8 milliards d'euros, correspondant à 9,1 millions de comptes, ont été transférés à la Caisse des dépôts.

Je tiens ici à remercier la Caisse des dépôts ainsi que les entreprises financières, qui se sont activement engagées sur ce chantier. Les principaux acteurs du marché ont fortement investi pour se mettre en conformité avec les nouvelles normes, ou pour développer des outils dédiés à cet objectif.

Malgré ces améliorations, des progrès sont encore possibles pour remédier à la déshérence des produits financiers, notamment concernant l'épargne-retraite. Les montants restitués par les entreprises financières et la Caisse des dépôts restent encore peu élevés au regard de l'évaluation des encours concernés.

La déshérence « pré-décès » sur les stocks de plans d'épargne retraite non liquidés à 65 ans, estimée à plus de 5 milliards d'euros, reste difficile à mesurer et à traiter. Les dispositifs existants ne sont pas suffisamment connus du grand public, ce qui limite leur portée. Je pense notamment au portail Ciclade mis à disposition par la Caisse des dépôts, que vous avez mentionné : il est manifestement peu connu sur ces bancs.

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